un billet spirituel quotidien pendant le confinement ;
samedi 26 décembre :
Chers frères et sœurs,
Vous pouvez imaginer mon attachement à la figure de mon saint patron, premier martyre et témoin de Jésus-Christ ressuscité… Au lendemain de Noël, sa fête passe souvent inaperçue (enfant, on oubliait souvent de me la fêter) ; pourtant la liturgie du lendemain de Noël ne nous épargne pas : la mort côtoie la naissance de très près ; comme pour nous dire que le chemin de Jésus est dès la naissance d’être donné aux hommes ; symboliquement les langes et la mangeoire expriment déjà cette destinée de Jésus qui va donner sa vie sur la croix. Les artistes ont souvent marqué cela (voir les représentations du peintre Georges de la Tour : les langes forment un vrai linceul).
Et Luc, dans le récit des Actes des Apôtres, identifie Etienne au Christ dans sa mort ; Etienne a vécu pleinement de la vie du Christ, il en est totalement imprégné. Il est un puissant témoin de la Parole de Dieu, accomplissant des « signes et des prodiges éclatants » : « grâce », « puissance » et « sagesse » sont ses compagnons de vie. La seule arme de ses adversaires face au bien qu’Etienne accomplit est la calomnie ; le Christ en a aussi été victime.
Il est accusé de blasphème par de faux témoins au Sanhédrin ; parce qu’il a vu Jésus à la droite de Dieu, il est condamné à mort. Il est tué à coup de pierres. C’est lui le vrai témoin !
Je regarde toujours avec une certaine admiration mon saint patron Etienne, diacre et serviteur de la Parole, qui est arrivé au bout de son désir le plus beau, parce qu’il a suivi Jésus jusqu’au bout : « son visage est comme celui d’un ange » ; tel Moïse dont le « visage rayonnait » (Ex 34,35) après la rencontre de Dieu à l’Horeb, et tel Jésus lors de sa Transfiguration : « Ils ne pouvaient résister à la sagesse et à l’Esprit qui le faisaient parler » (Ac 6, 8-15).
Les paroles d’Etienne vont exacerber ses opposants. Etienne contemple Jésus debout à la droite du Père, vision qui le réconforte. C’est alors qu’il est lapidé sans aucune forme de procès. Il meurt pour l’amour du Christ.
Comme Jésus, Etienne remet son esprit dans les mains du Seigneur : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit ». Comme Jésus, il crie d’une voix forte, implorant le pardon pour ses bourreaux : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » (Ac 7,59-60) ; il témoigne de ce que Jésus demandait sur la croix, le pardon donné aux ennemis. C’est sans doute cela qui va finir par toucher le cœur de Paul qui assiste à la mort d’Etienne, et qui approuvait ce lynchage : « Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul ». L’exemple d’Etienne et surtout la grâce de Dieu vont œuvrer dans le cœur de Paul, qui va, plus tard, rencontrer le Christ et se mettre à son service.
Puissions-nous toujours chercher Jésus avec ce grand désir qui fut au cœur de Saint Etienne !
PS : Ceci sera sans doute, hélas, mon dernier message, parce que je vais me reposer quelques jours après un Noël particulièrement lourd et imprévisible ! Et aussi parce que le confinement est terminé et la mission va reprendre sans doute plus dense ! Merci de m’avoir aidé à méditer la Parole de Dieu : l’air de rien cela fait 55 méditations successives. Ce fut une joie de les partager avec vous. Quelle richesse, quelle Lumière pour nos vies !
Que le petit enfant de la crèche soit notre lumière chaque jour de la nouvelle année que je vous souhaite pleine de paix venant de son amour !
vendredi 25 décembre :
La fête de Noël nous renvoie à la grandeur et à la fragilité de la vie.
Jean l’Evangéliste regarde sous la réalité visible ; il relit le mystère de la naissance de Jésus avec les yeux de la foi ; Jésus a pris notre condition d’homme en naissant dans la crèche. En Jésus c’est Dieu présent parmi nous, « il a planté sa tente parmi nous » dit Jean.
En regardant et en écoutant Jésus, avec les yeux de la foi, nous pouvons découvrir ce qui est derrière la réalité visible pour y voir le mystère de l’Incarnation, la venue en notre monde du Fils de Dieu. Jésus dans son berceau nous parle d’une réalité invisible qui ne peut être comprise qu’avec les yeux de la foi. Il faut donc entrer dans un regard contemplatif, émerveillé, comme celui des enfants devant la crèche pour comprendre le sens caché de la fête de Noël. Sinon la naissance de Jésus n’aurait pas plus, ni moins d’importance que toute naissance humaine sur la terre, puisque nous fêtons et nous nous réjouissons de la naissance de tout enfant…
L’évangéliste Jean ne raconte d’ailleurs pas la naissance de Jésus, mais il nous parle de cette réalité de la fête de Noël, que seule la foi peut percer : la venue parmi les hommes de Dieu qui se fait petit enfant.
Jean médite sur ce petit enfant qui est le Fils de Dieu, et il nous le montre « tout contre le Père », au début et à la fin de cet Evangile, comme pour nous dire là ce qui lui semble le plus essentiel : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu », et à la fin : « le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père » (verset 18). Belle image pour montrer que Jésus vient se faire petit enfant fragile, parce qu’il aime le Père et parce qu’il est en communion totale d’amour avec lui. L’image qu’emploie Jean est d’une densité extraordinaire : Jésus est comme incliné sur le cœur de son Père, comme s’il se blottissait tout contre son Père. Image familière pour nous d’un amour fou, comme celui d’une mère : en ses bras son enfant se blottit et trouve refuge ! Pas besoin d’un cours compliqué de théologie pour nous parler de l’amour de Dieu, Père, Fils et St-Esprit !
C’est comme si Jésus nous invitait à nous blottir nous aussi en son amour.
Jésus vient « chez les siens » (Jn 1,11) : il est chez lui parmi nous. Il a aimé comme un homme, mais pleinement, il a aimé totalement, « comme aucun homme n’avait jamais aimé » (Bernanos, la joie p.251). En Jésus, « notre frère et notre Dieu » (Cyrille d’Alexandrie), c’est Dieu qui se laisse approcher, en Jésus c’est Dieu qui se laisse toucher, en Jésus c’est Dieu qui pleure, en Jésus c’est Dieu qui dialogue avec les hommes, en Jésus c’est Dieu qui pardonne…
Jésus, toi le petit enfant de la crèche, donne-moi de porter ta lumière à mes frères et sœurs qui attendent ta tendresse !
jeudi 24 au soir :
« Vraie Lumière, celle qui jaillit de la nuit ; et vraie Nuit, celle d’où jaillit la Lumière » (François Cheng)
L’imprévu de Dieu
Personne n’aurait pu prévoir ou imaginer ce qui se passe en cette nuit de Noël !
La fête de Noël nous renvoie à la grandeur et à la fragilité de la vie : la vie qui nous est donnée par Dieu est extrêmement précieuse et ô combien fragile ! Nous éprouvons la fragilité de la vie et sa merveille devant l’enfant vulnérable de la crèche que nous sommes venus fêter.
Jésus vient habiter notre faiblesse. Il naît dans notre monde de violence, d’exclusion (il n’y a même pas de place pour l’accueillir, cela rappelle étrangement nos messes de Noël cette année, où tous ne peuvent pas venir participer à la joie de la fête), il naît dans un monde de souffrances, mais aussi, même si cela fait moins de bruit, dans un monde de générosité, d’écoute, de respect….
Certes la naissance de Jésus ne change pas notre condition de vie actuelle dont nous percevons mieux que jamais les limites…Jésus ne vient pas comme un magicien avec sa baguette magique. Il vient comme un Sauveur.
Il vient pour nous montrer comment l’homme peut aimer dans ce monde tel qu’il est avec ses épreuves, et non pas dans un monde idéal, tel que nous le rêverions. Il nous apprend à aimer dans toutes les circonstances de notre vie, même dans les pires situations de notre existence humaine.
Mystère immense d’un Dieu qui n’est jamais aussi grand et aussi proche que lorsqu’il se fait tout-petit et fragile ! Cette nuit nous invite à contempler Jésus, fragile nouveau-né, ayant trouvé comme seul abri une pauvre mangeoire destinée aux animaux
« Quelle surprise de voir Dieu adopter nos propres comportements : il dort, il tète le lait de sa mère, il pleure et joue comme tous les enfants ! » (pape François, la crèche, 2019).
Dieu parle, aime avec un cœur d’homme, agit avec des mains d’homme. Dieu a accepté de se salir les mains par amour pour nous ! Il a voulu prendre un corps pour le livrer et pour nous sauver, des mains pour nous guérir et nous bénir, un cœur pour nous aimer. Il a voulu connaître de l’intérieur nos détresses, nos maladies, nos souffrances, nos faiblesses et même notre mort, et tout cela par folie d’amour pour nous.
Sans le Christ, ce petit enfant de la crèche, notre humanité manquerait de quelque chose, elle serait comme orpheline : si Jésus prend notre chair, s’il devient petit enfant, c’est pour nous révéler la beauté, la grandeur et la dignité de chaque être humain.
C’est ce message d’amour que ce petit enfant vient me donner en cette nuit, à chacun de nous personnellement, quelles que soient les souffrances de nos cœurs. Chacun de nous, avec ses faiblesses et ses échecs mais aussi ses réussites, est capable d’aimer.
Un nouveau-né, qu’y a-t-il de plus fragile, de plus dépendant, de plus faible ? Seul il ne pourrait pas survivre ; il a besoin qu’on prenne soin de lui… mais c’est toujours un être plein de promesse ! Jésus dépend de ceux qui l’accueillent, l’amour humain n’est pas loin : il y a Joseph et Marie qui veillent sur lui avec tendresse et veillent sur ce petit bout qui est le Fils de Dieu.
Jésus nous invite nous aussi à naître ; il nous apprend qu’il est possible de vivre totalement donné aux hommes et à Dieu. La petite flamme parfois vacillante de son amour en notre cœur a besoin d’être protégée comme un trésor précieux, elle a besoin d’être ranimée par l’enfant de la crèche : parce que Jésus est pour nous la « Vraie Lumière, celle qui jaillit de la nuit » (François Cheng). Que cette lumière réjouisse et réchauffe notre cœur.
Jésus, toi le petit enfant de la crèche, donne-moi de porter ta lumière à mes frères et sœurs qui attendent ta tendresse !
SAINT ET JOYEUX NOEL !
jeudi 24 décembre :
Chers frères et sœurs,
Eh non ! Ce n’est pas encore Noël ! Il faudra attendre encore quelques heures.
Les derniers préparatifs intérieurs pour entrer dans la joie de Noël nous invitent à la danse, ou plutôt, ce qui est lié, à chanter les bénédictions que le Seigneur ne cesse de nous prodiguer.
Zacharie comblé par la naissance de Jean-Baptiste, l’enfant inespéré, entre dans l’action de grâce intérieure. La prière de bénédiction est louange de l’être comblé ; elle est reconnaissance de la bonté de Dieu et gratitude envers ses bienfaits.
C’est un chant qui lui vient dans le souffle de l’Esprit Saint (Lc 1, 67).
Cela commence comme maintes prières d’Israël : « Béni soit le Seigneur » ; « Béni soit le Seigneur, le Dieu de mon maître Abraham » (Gn 24,27) … Paul reprendra cette forme de louange au début de l’épître aux Ephésiens : « Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus-Christ… ».
Dans cette bénédiction, Zacharie « proclame les actions salvifiques et la libération offerte par le Seigneur à son peuple. Il s’agit donc d’une lecture « prophétique » de l’histoire, c’est-à-dire la découverte du sens intime et profond de toute l’existence humaine, guidée par la main cachée mais active du Seigneur, qui se mêle à celle plus faible et incertaine de l’homme » (Saint Jean-Paul II, catéchèse 01/10/2003).
Zacharie commence par louer Dieu parce qu’il ne cesse de visiter son peuple, nous pourrons nous aussi le faire ce soir : Dieu nous visite en ce petit enfant de la crèche ; « Dieu a suscité une force de Salut », comment ne pas relire cela dans la perspective de ce soir !
Il fait mémoire de l’Alliance conclue par Dieu avec Abraham ; la libération chantée par Zacharie sera donnée en vue du service de Dieu (verset 74). Et comme Marie, Zacharie a au cœur la miséricorde de Dieu, ses entrailles de tendresse pour son peuple : « les entrailles de miséricorde de notre Dieu en lesquelles il nous visitera ». Les visites du Seigneur sont toujours des visites où il nous apporte tendresse, miséricorde et paix.
Ensuite Zacharie chante la venue de leur fils, Jean-Baptiste, don de la grâce ; celui-ci vient au cœur du mystère de l’Alliance comme prophète de l’accomplissement en Jésus. Sa mission anticipe celle de la communauté chrétienne.
Une phrase peut particulièrement résonner en nous, en cette journée qui nous prépare à la rencontre avec Jésus enfant : « Grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix » (Lc 1,79). « Le soleil qui surgit », c’est l’Emmanuel, « Dieu avec nous », annoncé par les prophètes : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » (Is 9,1).
L’humanité, qui est enveloppée « dans les ténèbres et l’ombre de la mort », est éclairée par cette lumière fulgurante, ce soleil du Christ « pour conduire nos pas dans le chemin de la paix » (Lc 1, 79).
« Nous avançons en ayant alors cette lumière comme point de référence ; et nos pas incertains, qui souvent au cours de la journée dévient sur des routes obscures et glissantes, sont soutenus par la clarté de la vérité que le Christ diffuse dans le monde et dans l’histoire » (Saint Jean-Paul II, idem).
Que cette lumière de l’enfant qui naît dans la crèche soit pour nous lumière fulgurante et pleine de réconfort !
mercredi 23 décembre :
Chers frères et sœurs,
L’histoire sainte nous montre que Dieu ne cesse de guider notre histoire, de l’accompagner, de faire grandir le salut jusqu’à la venue de Jésus en notre humanité. Dans le silence de nos vies, Dieu est toujours « Dieu avec nous », selon la promesse du Ressuscité aux siens : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).
Il n’est qu’à relire toute l’histoire du peuple hébreu pour s’en convaincre ; il est souvent plus difficile d’en être convaincu pour notre histoire personnelle, parce que trop souvent nous avons une image d’un Dieu bien lointain, et nous avons du mal à imaginer qu’il se soucie de chacun de nous à chaque minute de notre vie.
Le récit de la naissance de Jean-Baptiste montre bien combien Dieu est à la source de la promesse ; il ne cesse de conduire son peuple avec douceur et patience vers « l’accomplissement » : « Pour Elizabeth s’accomplit le temps de son enfantement » (Lc 1,57) ; la joie à travers ce récit de la naissance du prophète, une joie contagieuse, parce que Dieu « fait éclater sa miséricorde » pour Elizabeth et Zacharie ; c’est une source de joie pour leurs proches qui ont eu compassion pour leur épreuve de couple qui ne pouvait pas avoir d’enfant : « ils apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde et ils se réjouissaient avec elle ». L’histoire de Jean-Baptiste nous parle de la gratuité de Dieu qui est sans cesse nouvelle.
La tradition voudrait qu’on donne à l’enfant le nom de son père et donc qu’il s’appelle aussi Zacharie. Le signe que c’est bien Dieu qui agit, c’est le nom qui est donné par l’ange et confirmé par ses parents à l’enfant qui vient de naître : « Jean », nom hébreu qui évoque le « Dieu qui fait grâces ». Sa naissance est une nouvelle étape du Salut dans la surabondance de la grâce.
Tout cela étonne et ouvre à la louange : à commencer par le père de Jean, Zacharie, qui va bénéficier de la joie de la foi de Marie et d’Elizabeth, et retrouver la parole et sa capacité à louer Dieu : « sa langue se délia, il louait et bénissait Dieu » ; « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël qui visite son peuple », chantera-t-il ensuite (Lc 1,68).
Cette allégresse est contagieuse, comme toujours : « La crainte (c’est-à-dire l’émerveillement devant l’action de Dieu) saisit alors tous les gens du voisinage et, dans toute la région montagneuse de Judée, on racontait tous ces événements ». Tout cela est gravé dans les cœurs comme toute nouvelle qui réjouit en profondeur.
Ste Thérèse d’Avila méditait sur les trois grâces de la vie chrétienne : la grâce de la visite de Dieu, la grâce de prendre conscience de cette visite de Dieu, et enfin la grâce de le louer, d’être dans la joie.
Que Jean-Baptiste nous ouvre à la joie spirituelle, à la louange pour Dieu qui ne cesse d’agir en nos vies. Préparons notre cœur à chanter la louange du Seigneur demain soir !
mardi 22 décembre :
Chers frères et sœurs,
Marie vient de partager la joie de sa cousine, devant l’extraordinaire de ce que le Seigneur a accompli pour elles ; l’imprévu de Dieu les comble au-delà de leurs espérances. Alors dans sa simplicité, elle chante la grandeur de ce Dieu qui n’est que don : « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Verset 47). C’est le Magnificat, où Marie magnifie l’œuvre de Dieu pour elle et pour son peuple « Le Seigneur a fait pour moi des merveilles » (verset 49). Marie chante l’appel du large, l’appel de l’immensité de l’amour de Dieu.
Ce chant de Marie est une vraie mosaïque de références bibliques nombreuses ; Marie est habitée par la Parole de Dieu qu’elle a longuement méditée et qu’elle traduit avec ses mots. La Parole en elle devient louange et allégresse. Marie chante pour son peuple qui est comblé de l’amour de Dieu, elle chante pour la venue en elle du Sauveur.
Parmi les nombreuses reprises bibliques, vous en repérerez une dans le cantique d’Anne qui suit la première lecture : « Mon cœur exulte à cause du Seigneur ; mon front s’est relevé grâce à mon Dieu !… De la poussière il relève le faible » (1 Sam 2,1 : comparez avec le premier verset et le verset 52 du Magnificat). Anne rend grâce pour la merveille que Dieu a faite pour elle, alors qu’elle était confrontée à « l’humiliation » de la stérilité, selon se mots ; elle prie avec ferveur le Seigneur, qui lui donne d’être exaucée ; elle va accueillir un fils Samuel, qu’elle consacrera à Dieu.
Marie fait état des merveilles accomplies par Dieu en elle, elle rend grâce pour le dessein de salut que porte l’humanité depuis la promesse (v.54-55) ; Dieu ne cesse de faire miséricorde : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge… il se souvient de sa miséricorde » (verset 50 et 54) ; malheureusement la nouvelle traduction liturgique a traduit une seule fois ce mot grec qui désigne les entrailles maternelles de Dieu qui est ému par la misère de son peuple souffrant.
Marie chante le Dieu des humbles : « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » (verset 52). Marie incarne cette humilité qui se remet totalement entre les mains de Dieu.
La merveille que Dieu accomplit en Marie est pour le peuple des pauvres. Le Magnificat passe sans cesse de Marie au peuple, de la servante à Israël serviteur. La miséricorde de Dieu pour sa servante s’étend à tous les petits de tous les temps. Dieu ne fait qu’accomplir ses promesses à Abraham. Le Dieu sauveur ne cesse de faire grâce à toute l’humanité de tous les temps.
A Noël que nous fêterons dans deux jours, dans la crèche, en Jésus petit enfant fragile, remis entre les mains de Marie, « Dieu a dispersé les superbes, il a renversé les puissants, il a comblé les affamés, il a relevé son serviteur… ».
La venue de Jésus dans notre chair en Marie déploie le salut ; avec Marie chantons : « Magnifique est le Seigneur » !
lundi 21 décembre :
Chers frères et sœurs,
L’annonce de l’ange donne à Marie le désir de partager sa joie : la joie rayonne là où elle est présente. Elle est missionnaire.
Marie est habitée par la joie de la venue en elle du Sauveur, et elle part « en hâte » visiter sa cousine Elizabeth. C’est la hâte de l’amour que rien ne peut retenir pour soi. Toutes deux partagent une même grâce, le don que Dieu leur fait d’un enfant. L’impossible est devenu possible.
Elizabeth ne connaît pas encore le bonheur de Marie. C’est l’Esprit qui lui permet de discerner la présence du Seigneur dans le sein de Marie. Dans le plus ténu, Elizabeth a décelé la présence de l’immense, elle rend grâce pour l’œuvre de Dieu en Marie : « Béni soit le fruit de ton sein ». Dans le tressaillement de Jean-Baptiste qui se révèle déjà précurseur, elle décrypte la visite de Dieu en Marie : elle reconnaît le Sauveur en cet enfant que porte Marie en elle, elle désigne Marie comme « la mère de mon Seigneur » ; c’est la première fois que Jésus dans l’Evangile de Luc est appelé « Seigneur ».
Pour Elizabeth, la première visite de Dieu est dans l’incroyable de sa grossesse, elle qui était et stérile et trop âgée pour avoir un enfant.
La deuxième visite de Dieu elle la perçoit dans cette hâte de Marie à la rencontrer. C’est parce que Marie est habitée de la présence de Dieu, parce qu’elle a le cœur élargi, parce qu’elle est pleine de cette délicatesse qui la pousse à rendre visite à sa cousine. Lorsque nous sommes fraternels nous sommes des vecteurs de la grâce.
Et le secret partagé par les deux cousines les remplit toutes les deux de joie : la présence de Dieu dans toute rencontre est pleine de cette joie de l’Esprit. Elizabeth parle alors du bonheur de la foi-confiance que vit Marie, en donnant une béatitude : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement de la Parole ».
A quelques heures de la nuit de Noël, nous sommes invités à accueillir la visite que Dieu nous fait. Mais quand sommes-nous visités par Lui ?
L’ exemple de la visite de Marie à Elizabeth peut nous aider à comprendre comment Dieu nous visite.
Toute rencontre humaine peut être visite de Dieu. Ne l’oublions pas dans ces jours où Jésus vient nous visiter en un petit enfant : nous allons nous retrouver en famille, même si ce sera dans des conditions inhabituelles, limitant les possibilités de rencontres. N’oublions pas ceux qui ne connaîtront peut-être pas la joie d’être visités, parce qu’ils seront bien seuls en ces jours de fête. Ayons le souci d’être attentifs à ceux qui vivent seuls ou connaissent la rudesse de ces temps difficiles.
Le bienheureux Charles de Foucauld a beaucoup médité ce texte de la Visitation : « Quand on est plein de Jésus, on est plein de charité » ; « Avec Marie ayons hâte de partager notre trésor Jésus avec les frères qui ne le possèdent pas ».
Que la fête de Noël nous donne cette hâte de Marie pour nous rendre fraternels et porteurs de l’Evangile en acte.
dimanche 20 décembre :
Chers frères et sœurs,
L’Evangile nous parle de l’imprévu et de l’imprévisible… Dieu qui prend chair en une femme.
Marie accueille en elle la présence de Dieu. C’est la « Révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence », ce mystère est maintenant donné à la connaissance de tous, comme nous le dit Paul.
Un envoyé, un ange, Gabriel dont le nom signifie : « Dieu est fort », s’adresse à une jeune fille ordinaire qui n’a rien de célèbre ni d’extraordinaire.
L’ange la salue de façon solennelle, manifestant qu’elle est habitée, on pourrait dire qu’elle est envahie par la grâce : « Réjouis-toi comblée de grâce » ; l’ange invite Marie à accueillir une joie immense et imprévisible … et il en rajoute : « Tu as trouvé grâce ». La grandeur de Marie, sa force intérieure ne lui viennent pas d’elle-même : elles sont un don de la grâce de Dieu qui la précède et l’accompagne. Marie est bouleversée par ce que l’ange dit d’elle, comme si elle trouvait que l’ange en faisait un peu trop pour la mettre en valeur. Sans doute aussi est-elle aussi émue par l’appel du Seigneur, et parce qu’elle veut savoir ce que Dieu attend d’elle.
Une atmosphère de paix, mais aussi de douceur, et de solennité, entoure cette rencontre surnaturelle ; Marie ne semble pas particulièrement intimidée ; l’ange lui annonce ce qui l’attend. Cette jeune fille simple et humble ne se laisse pas impressionner devant l’impensable… « Tu vas concevoir et enfanter un fils… le Fils du Très-Haut ».
Toujours avec la même simplicité Marie questionne « comment cela est-il possible ? Je ne connais pas d’homme ». C’est comme si Marie disait : « Comment la volonté de Dieu va-t-elle s’accomplir alors que je n’ai pas les capacités requises ? ».
L’ange la renvoie à la puissance de l’Esprit-Saint. Marie doit de nouveau placer sa confiance en Dieu qui est maître de l’impossible. Si le Seigneur a permis qu’Elizabeth, sa cousine stérile, puisse porter un enfant dans sa vieillesse ; de la même façon il peut donner à une jeune fille vierge de porter un enfant.
Cela suffit à Marie pour qu’elle s’abandonne entre les mains de Dieu, malgré les multiples questions qu’elle devait porter, et ce chemin qui s’ouvre devant elle semé d’inconnus. Son oui est radical. Sa communion avec le Seigneur est totale et entière, sans retour, sans hésitation. Toutes ses énergies sont tournées vers cette promesse. Marie est totalement donnée au projet de Dieu ; elle laisse Dieu agir en elle. Une joie profonde traverse l’Evangile de ce jour ; joie de la grâce vécue, joie du oui donné en pleine liberté. Elle est joyeuse d’entrer dans le projet de Dieu pour elle et pour l’humanité : « Voici la servante du Seigneur, ma joie est de faire ta volonté ». Sans le oui de Marie, le consentement de l’humanité au désir de Dieu n’aurait pas pu avoir lieu…
C’est un peu l’inverse que David veut pour Dieu : il veut faire pour Dieu, bâtir pour Lui une maison digne de ce Dieu qu’il aime ; mais Dieu lui redit que tout ce qu’il a, lui a été donné par grâce.
Marie nous invite à nous laisser nous aussi envahir par l’amour de Dieu. Que nos « oui » au Seigneur soient pleins de cette joie qui habite Marie !
samedi 19 décembre :
Chers frères et sœurs,
Les textes de ce jour nous préparent à l’incroyable du mystère de la naissance de Jésus le Fils de Dieu, en nous montrant Dieu comme le maître de l’impossible ; lui qui donne à des femmes stériles d’être fécondes : ainsi la maman de Samson, ainsi Elisabeth, la mère de Jean-Baptiste. La stérilité était vécue comme une humiliation, dans la société de l’époque ; comme le disait Anne, la maman stérile de Samuel dans sa prière adressée à Dieu : « Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils… » (1 Sam 1,11). Toutes ces bénédictions accordées par Dieu à ces femmes qui ne pouvaient pas avoir d’enfants prépare la maternité virginale de de Marie qui chante cela dans le Magnificat : « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1,48).
Lors de l’Annonciation (ce qui fait le lien avec le texte de ce dimanche, Lc 1,36), l’ange Gabriel donne à Marie comme signe de la puissance de Dieu, la fécondité d’Elisabeth qui était restée stérile jusqu’à un âge avancé ; ce qui fera d’ailleurs douter Zacharie, qui est pourtant un homme juste, de la possibilité que Dieu lui accorde cette grâce. « Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1,37).
Comme pour Marie qui est vierge, Dieu intervient pour Elisabeth la stérile, mettant fin à son « humiliation » : « Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, en ces jours où il a posé son regard pour effacer ce qui était ma honte devant les hommes. » (Lc 1,25).
Dieu seul peut faire qu’une femme reste vierge soit quand même mère, comme Dieu seul peut donner à la femme stérile d’avoir un enfant.
Tout commence avec un couple « modèle », qui vit main dans la main, malgré l’épreuve d’une stérilité sans issue. Leur vertu est reconnue, ils sont justes aux yeux de Dieu. L’amour fidèle porte toujours du fruit, puisqu’il est source de grâce, de cette grâce qui identifie à Dieu.
Ce qui pourrait être signe de disgrâce, la stérilité, ne les empêche pas d’être choisis par Dieu. Elisabeth et Zacharie prennent la suite de ces couples stériles de l’histoire sainte, dont Sarah et Abraham : « Espérant contre toute espérance Abraham a cru, et ainsi il est devenu le père d’une multitude de peuples » (Rm 4,3). Mystérieuse fécondité de la foi !
Dieu « prodigue sa miséricorde » à Zacharie et à Elisabeth ; c’est Dieu qui fait porter du fruit à nos vies, même dans ce qui nous apparaît le plus stérile, le plus inutile, même dans nos faiblesses… L’histoire de Jean-Baptiste est bien dans la continuité de la gratuité de Dieu qui est sans cesse nouvelle.
Les noms de cette histoire sainte sont déjà en eux-mêmes une prédication : Zacharie veut dire : « Dieu se souvient », Dieu n’est pas loin de nous, il reste fidèle ; Elisabeth : « Dieu est promesse », l’accomplissement de la promesse est pure grâce pour Elisabeth ; la promesse de Dieu ne cesse de s’accomplir dans nos vies ; Jean exprime que « Dieu fait grâce », sa naissance est une nouvelle étape du salut dans la surabondance de la grâce.
L’accueil de cette naissance inespérée donne toute sa force à la confiance en la parole de Dieu et en son amour.
Oui, soyons dans la joie : Dieu continue à faire grâce en nos vies !
vendredi 18 décembre :
Chers frères et sœurs,
La première phrase de l’Evangile de ce jour fait le lien avec la longue généalogie d’hier pour évoquer la place de Joseph dans le salut donné aux hommes en Jésus : « Voici comment fut engendré Jésus le Messie ». Il s’agit bien pour Matthieu d’expliquer la place de Joseph dans la transmission de la mission de Jésus comme Messie.
L’Evangile de ce jour nous place au seuil du mystère…
Le mystère est non pas ce que nous ne pourrons jamais comprendre, mais comme ce dont nous n’aurons jamais fini d’en approfondir la beauté, tellement il nous dépasse infiniment. Nous nous trouvons toujours balbutiants face à plein de réalités qui nous dépassent… C’est bien ainsi que Joseph accueille le mystère de l’amour de Dieu qui prend chair, en Marie.
Quel est le doute qui remplit Joseph avant d’habiter avec Marie ? Peut-on imaginer que celui-ci se demande si Marie est coupable d’adultère ? Comment imaginer que Marie n’aie pas mis au courant Joseph du mystère de l’Annonciation ? Ce serait une bien piètre idée de l’amour plein de respect qui anime le couple de Marie et de Joseph… Joseph ne peut pas soupçonner Marie dont il connaît la pureté du cœur et la totale fidélité à la volonté du Seigneur pour elle.
« Joseph voulut rendre à la Vierge sa liberté non pas parce qu’il la soupçonnait d’adultère, mais par respect pour sa sainteté », disait St Thomas d’Aquin. Cette lecture est très traditionnelle chez les pères de l’Eglise.
Il s’agit donc d’autre chose que le soupçon qui est au cœur de Joseph à ce moment crucial… Il s’agit d’une hésitation sur ce qu’il doit faire. Joseph doit se demander : « Que dois-je faire face à cette situation pleine de mystère que vit Marie ? Ne dois-je pas m’effacer ? ». Joseph est bouleversé par ce qui arrive pour Marie, il veut s’effacer avec respect et discrétion devant la grandeur du mystère de l’action de Dieu en Marie.
Mystère pour Joseph, qui est le « juste » devant Dieu, c’est-à-dire celui qui cherche en tout à répondre totalement à la volonté de Dieu (Joseph est ajusté à l’amour de Dieu).
St Bernard compare l’attitude de Joseph face au mystère à l’effroi de Pierre devant la pêche miraculeuse, lorsqu’il prend conscience de son indignité face à la grandeur du Messie et qu’il dit à Jésus : « Eloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8) ; comme Pierre, dit-il, « Joseph est saisi de crainte devant le mystère » ; comme Moïse qui se déchausse devant le Buisson Ardent, qui brûle sans se consumer. Et comme tant d’autres qui ont été saisis de crainte devant la grandeur de Dieu (à commencer par les prophètes).
Le message de l’ange à Joseph est une invitation à accepter ce mystère sans crainte, une phrase de l’Evangile devrait nous éclairer : « Ne crains pas » ; le même appel plein de douceur que celui que l’ange Gabriel a adressé à Marie : « sois sans crainte ». Le risque est toujours de nous sentir indignes de la grâce de Dieu.
Joseph est celui par qui s’accomplit la promesse d’un Messie dans la descendance de David. La volonté de Dieu est que cet enfant qui vient de l’Esprit-Saint ait Joseph comme père, puisque celui-ci est de la lignée de David.
Il accepte d’être un père pour Jésus, de l’accueillir, lui qui est le Fils de Dieu. Il entre dans le projet de Dieu sans le maîtriser, en le recevant comme un don. Il accepte un rôle modeste puisque Jésus n’est pas engendré par lui, mais par le Saint-Esprit. Il est celui qui par son humilité va préparer dans le silence le cœur de Jésus à manifester pour nous l’humilité et la douceur de Dieu.
Que Saint Joseph nous aide à entrer dans le mystère de la Nativité qui approche.
PS : Prions pour notre évêque dont le pape a accepté la démission hier pour ses 75 ans, dans l’action de grâces pour sa mission sur notre diocèse !
jeudi 17 décembre :
Chers frères et sœurs,
Voilà un texte d’Evangile qui fait trembler tout lecteur de la Parole de Dieu, tant cette généalogie de Jésus nous apparaît répétitive, voire fastidieuse, avec en prime des noms imprononçables et guère connus ! Ce texte n’est pas moins une épreuve pour le prédicateur ! Les généalogistes contemporains s’y arracheraient les cheveux (Matthieu omet quelques rois impies, volontairement).
Ce texte de Matthieu est évidemment extrêmement construit, pour parler des « origines de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham » C’est comme s’il faisait défiler pour nous l’histoire d’amour que Dieu tisse avec l’humanité. Comme un refrain, par trente-neuf fois comme refrain le verbe « engendra » : trois fois quatorze générations pour faire la synthèse de l’Histoire Sainte, d’Abraham à Jésus. Certains noms sont très connus et honorés, d’autres inconnus et obscurs, ou parfois mêmes parfaitement indignes.
Toute l’histoire du salut est l’histoire de cette promesse faite à Abraham, le père du peuple élu, déployée en David, le Messie, et accomplie en Jésus-Christ (nous savons que Christ veut dire « Messie »).
L’intention de l’Evangéliste est bien sûr dans la première phrase qui professe la messianité de Jésus : il veut montrer que Jésus est bien le Messie attendu qui descend d’Abraham et de David. Toute la lignée de Jésus aboutit à Joseph. Ce dernier est né dans le peuple d’Israël et permet d’y enraciner le Fils de Dieu par sa paternité.
Evidemment il y a une rupture dans cette généalogie ; elle est comme brisée puisque Joseph n’est pas le père génétique de Jésus. Cette rupture est manifestée par le verbe qui change : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ » (Mt 1,16). Matthieu évoque ici Marie, la mère de Jésus, sans laquelle rien ne serait possible ; il connaît la conception virginale de Jésus, qui constitue une difficulté pour rattacher à David la généalogie de Jésus. Il veut montrer que la mission de Jésus est bien messianique. Par la paternité de Joseph, Jésus sera intégré dans la lignée messianique d’Abraham et de David. Jésus sera héritier non par le sang mais par l’Alliance, car rien n’est impossible à Dieu.
La venue du Christ en notre chair, par cette lignée plus ou moins glorieuse, est l’unique événement à partir duquel toute l’histoire des hommes s’éclaire. Seuls quelques rois sont glorieux, les autres plus ou moins indignes…Quatre femmes sont citées dans cette lignée de Jésus, cela a une signification profonde : Thamar la cananéenne, Rahab, l’étrangère, prostituée, Ruth, une autre étrangère et enfin, la femme d’Urie, Bethsabée, femme illégitime de David. Sans ces femmes il y aurait eu discontinuité dans l’ascendance de Jésus. C’est leur foi dans des situations critiques qui est leur louange. Le Christ doit la vie à cette histoire sainte émaillée d’histoires cabossées ; Jésus ne naît pas dans une lignée « Bisounours » ! Sa venue est très incarnée dans une chair à la fois belle et abîmée. La volonté de salut de Dieu fait feu de tout bois, même le plus pourri…
L’histoire sainte est ce long fleuve « intranquille » que la naissance de Jésus vient renouveler de fond en comble. Rendons grâce pour notre Dieu qui transfigure notre humanité dans la naissance du Christ.
« Le ciel se réjouit, le monde est en fête, car le Seigneur vient » (Antienne d’ouverture de la messe de ce 17 décembre).
mercredi 16 décembre :
Chers frères et sœurs,
Jean-Baptiste est en prison, victime des contradictions intérieures d’Hérode ; ce dernier est à la fois fasciné par la personne du Baptiste, mais incapable de résister à la demande d’Hérodiade qui veut faire tomber sa tête. Jean-Baptiste a mis toute sa joie à conduire ses contemporains à Jésus, avec force et vigueur ; et sa vie de service se termine par l’obscurité de la prison, l’abandon. Il finit sa vie en étant identifié à Jésus jusque dans sa passion, vivant pleinement ce que Jésus dira : « le disciple n’est pas plus grand que son maître ».
Le prophète qui a attiré les foules nombreuses au Jourdain, n’est plus rien : tous ses disciples ont suivi Jésus ; il a accompli sa mission qui était de conduire à Jésus. Il semble même être abandonné par Dieu. Mis en prison, pour avoir témoigné de la vérité jusqu’au bout, il envoie des disciples à Jésus pour l’interroger ; il est en proie au doute, à ce que les auteurs spirituels appellent la nuit de la foi, où Dieu semble absent. Il s’interroge sur sa foi même ; ne s’est-il pas trompé en annonçant la venue du Messie en Jésus ? Il semble ne pas reconnaître celui qu’il annonçait comme un Messie puissant et vigoureux ; l’action bienfaisante, douce et humble de Jésus serviteur le déstabilise dans sa foi. « Es-tu celui qui vient ? » : C’est la question d’un homme qui ne sait plus ce qu’il doit penser, d’un homme en proie au doute intérieur : « Me serais-je trompé ? Tout ce que j’ai fait n’est-il pas vain ? ». Jésus est-il bien celui qui accomplit les promesses messianiques ?
C’est rassurant pour nous de voir que même les plus grands peuvent connaître comme chacun de nous des moments de doute dans leur foi.
La réponse de Jésus aux envoyés du Baptiste renvoie aux prophéties d’Isaïe (au chapitre 35) : c’est par sa puissance de guérison et par l’annonce de la Bonne Nouvelle aux pauvres que Jésus est le Messie attendu. Il est bien le Messie, mais pas comme un juge impitoyable, il est le Messie des petits et des pécheurs.
Jean-Baptiste, dans l’obscurité de la foi, est invité à relire les événements du point de vue de Dieu, il est renvoyé à la foi pure par Jésus qui lui fait confirmer que les signes qu’il accomplit sont ceux qui annoncent le Messie. Jésus donne des signes, mais jamais des preuves. Peut-être une des origines du désarroi de Jean-Baptiste vient de ce qu’il est en prison, alors que le Messie vient apporter la libération aux prisonniers…
La réponse de Jésus se termine par une béatitude un peu étrange, qui est en fait une béatitude de la foi : « Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi », c’est-à- dire : heureux celui qui garde le cap de la foi, quels que soient les obstacles de sa vie. Le Baptiste ne doit pas trébucher dans sa foi, mais l’approfondir en accueillant les signes surabondants de la grâce.
« La foi n’est pas une lumière qui dissiperait toutes nos ténèbres, mais la lampe qui guide nos pas dans la nuit, et cela suffit pour le chemin… Dans le Christ, Dieu a voulu partager avec nous cette route et nous offrir son regard pour y voir la lumière » (Pape François, la Lumière de la foi, n°57).
La foi n’est pas seulement le compagnon de vie des temps calmes, mais aussi l’ancre qui nous permet de traverser les tempêtes de la vie. Soyons confiants, dans le Christ, Dieu vient partager notre route.
mardi 15 décembre :
Chers frères et sœurs,
Jésus aime bien nous parler des relations entre père et fils. Quoi d’étonnant, puisqu’il vit une relation intense de Fils en communion avec son Père des cieux ; il ne cesse d’inviter à devenir fils aimant de son Père. La parabole des deux fils devrait immédiatement nous rappeler une autre parabole, nettement plus connue, celle du fils prodigue (Lc 15).
Un père invite ses deux fils à travailler à sa vigne ; leurs réactions seront diamétralement opposées.
Le fils prodigue n’est pas sans ressemblance avec ce premier fils de l’Evangile de Matthieu : le fils dans la parabole de Luc quitte sa famille, dilapide son bien, avant de revenir vers son père qui l’accueille à bras ouverts ; dans l’Evangile de Matthieu, le fils, après une première réaction de refus, va changer de sentiment et finir par obéir à son père.
Le second fils dans le texte de ce jour, a une réponse très solennelle, et presque trop : « Oui, Seigneur ! » ; un oui franc et massif qui ne sera pas suivi d’effet, puisque finalement il laisse tomber et ne répondra pas à l’appel paternel de travailler à sa vigne ; il ressemble au fils aîné dans Luc, trop sage et trop irréprochable, qui déclare qu’il est aux ordres de son père et refuse de participer à la fête que son père organise pour son frère retrouvé.
La réponse à la question que pose ensuite Jésus : « Lequel a fait la volonté du Père ?», apparaît presque trop simple.
Ailleurs Jésus dira : « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7,21). Jésus parle souvent de cette opposition entre le dire et le faire : il invite à aller jusqu’à faire vraiment ce que nous disons, comme c’est toujours le cas pour le Père des cieux qui accomplit toujours ce qu’il dit.
La raison de cette parabole est dans l’explication qui suit : Jésus oppose deux attitudes très fréquentes, entre les « justes » ou qui se croient comme tels, et les pécheurs. Les soi-disant « justes » sont comme ce fils qui a dit oui à l’ordre du Père, sans y donner suite. Jésus rappelle qu’il est nécessaire de convertir notre façon de vivre ou de penser ; Jésus reproche aux grands prêtres de ne pas avoir su changer leur cœur à l’appel du Baptiste, contrairement aux pécheurs qui se sont rués autour de Jean-Baptiste pour recevoir le baptême du pardon : « Les publicains et les prostituées vous montrent le chemin ». Cet exemple des pécheurs n’a pas ému ceux qui se croient « justes ». C’est dans une conversion permanente du cœur que nous pouvons montrer le chemin du Christ.
C’est une invitation à l’humilité, et donc à l’humour sur nous-mêmes parce que nous sommes imparfaits, et qu’il vaut mieux parfois en rire que s’en lamenter.
Ces paroles de Jésus consonnent avec les paroles du prophète Sophonie : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur ». Nous sommes pauvres et petits sur le chemin que nous ouvre le Seigneur ; nous avons besoin de son amour.
Seigneur, nous désirons nous abriter en ton amour, même si c’est dans un tout petit coin de la crèche où tu seras accueilli !
lundi 14 décembre :
Chers frères et sœurs,
Je dois un peu être comme les enfants, j’aime beaucoup l’histoire si colorée de Balaam avec son ânesse qui montre une lucidité et une intelligence surnaturelle ; je ne sais donc pas qui a inventé le bonnet d’âne, certainement quelqu’un qui ne connaît pas bien la Bible ! L’âne au Moyen-Orient était le plus précieux de tous les animaux domestiques, celui qui rendait le plus de services ; c’est un âne qui portera Jésus lors de son entrée triomphale à Jérusalem lors des Rameaux.
Le roi païen Moabite, Balak, appelle à son secours Balaam, prophète et magicien, pour jeter un sort et maudire le peuple hébreu. Balaam est un personnage ambigu, traversé par des pulsions contradictoires ; Dieu lui défend de maudire Israël ; mais Balaam est gêné par la bienfaisance de Dieu pour son peuple.
Balaam est comme traversé à son corps défendant par le message de Dieu (Nb 22). La malédiction se change en bénédiction. Balaam la prononce malgré lui sous l’influence de Dieu. Le devin, monté sur une ânesse, se rend chez Balak ; mais, en chemin, l’ânesse, animal innocent et lucide, voit surgir un ange tenant une épée qui lui barre le chemin, malgré les coups répétés que lui donne son maître. La sagesse de Dieu s’exprime mystérieusement par cet animal qui tout à coup parle et reproche à son maître sa dureté. Dieu ouvre alors les yeux de Balaam ; devant Balak, il bénit, par trois fois, le peuple qu’il avait pour mission de maudire.
Toujours habité par l’Esprit de Dieu, ce païen prononce l’oracle de ce jour, annonçant un personnage mystérieux à venir : « Ce héros, je le vois – mais pas pour maintenant – ; je l’aperçois – mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. » ; pour nous, l’interprétation en est claire ; Balaam voit l’arrivée de Jésus ; la puissance de Dieu se fait reconnaître même par les païens (ce sera encore le cas pour les rois mages qui viendront adorer Jésus).
Dans l’Evangile de ce lundi, Jésus vient de chasser les marchands du Temple ; il est attristé par son peuple qui ne porte pas les fruits que Dieu attend (juste avant cette altercation se passe l’épisode du figuier desséché). Jésus dans le Temple fait face aux grands prêtres qui sont responsables de l’ordre établi. Ceux-ci lui demandent au nom de qui il agit : « Qui t’a donné cette autorité ? ». Jésus comme souvent déplace le débat, non pas parce qu’il refuse de répondre, mais pour amener à réfléchir. Il renvoie à l’itinéraire de Jean le Baptiste qui attirait les foules. Jésus répond par une question : Jean-Baptiste a-t-il baptisé parce qu’il agissait au nom du Ciel ou des hommes ? Les grands prêtres ont peur de la réaction de la foule s’ils répondent que le Baptiste n’agissait pas au nom de Dieu. Peut-être aussi ne veulent-ils pas reconnaître l’autorité de Jésus comme venant de Dieu. Ils se murent dans une dérobade. Jésus refuse d’aller plus loin dans le dialogue, qu’il cherchait pourtant, tant est grande sa déception.
Demandons la grâce d’accueillir de façon renouvelée la naissance du Christ en notre chair qui approche !
dimanche 13 décembre : homélie
Au cœur de l’Avent, nous sommes déjà conviés à entrer dans la joie de Noël.
Est-il si évident d’associer Jean-Baptiste à la joie comme le fait la liturgie de ce dimanche. ?
Est-ce qu’on associerait spontanément les jansénistes à la joie ? Non bien sûr, car ils ont contribué à rendre la foi triste dans le crainte de l’enfer. Il a fallu une Thérèse de Lisieux pour rendre à la foi sa joie. Spontanément, on verrait plutôt Jean-Baptiste comme un ascète exigeant, un peu rude, aux paroles de feu, mais pas comme l’homme de la joie. Quel étrange personnage en vérité, ce prophète !
Il pratique une vie d’ascète, au cœur du désert, avec un renoncement qui impressionne, et qui lui sera parfois reproché par ses contemporains mais là n’est pas l’essentiel. Dans l’Evangile de Jean, Jean-Baptiste n’est pas d’abord l’ascète, il est le « témoin venu pour rendre témoignage à la lumière afin que grâce à lui tous viennent à la foi », comme nous l’avons entendu. Il est l’homme qui voit au-delà du visible et qui invite à faire de même.
Quelle est donc cette joie du prophète que la liturgie de ce dimanche nous propose de contempler ?
Jean le Baptiste nous montre sa joie d’entendre la voix du Christ. Il témoigne du bonheur qui le remplit, à écouter la voix de l’Epoux, le Christ, à se laisser attirer par lui : « L’ami de l’Epoux entend la voix de l’Epoux, et il en est tout joyeux. C’est ma joie, et j’en suis comblé » (Jn 3,29). Et il nous invite à partager cette joie qui est la sienne. Il est l’homme d’une autre joie, non moins grande, celle de montrer le Christ à tous, cette joie de conduire les foules à Jésus. Jean-Baptiste comme le dit St Augustin est « l’homme irradié qui annonce celui qui illumine ».
Mais il est aussi l’homme d’une autre joie plus profonde, plus intérieure encore, une joie humble, qui le fait assumer sa place de prophète, jusqu’à risquer sa vie : le prophète parle non pas en son nom, mais pour un autre ; le prophète n’est pas un homme qui se montre lui-même mais il est témoin, il agit pour un autre : « Il faut qu’il grandisse et que je diminue » (Jn 3,30). Il s’efface devant le Christ. Les artistes ne s’y sont pas trompés qui l’ont représenté l’index pointé vers Jésus-Christ.
Il a l’humilité de celui qui reste à sa place ; devant les autorités juives qui s’interrogent sur sa vraie personnalité, il assume ce qu’il n’est pas, il n’est ni le Messie, ni Elie de retour ; il n’est qu’une voix qui annonce celui qui est la Parole, le Christ. Et du coup il permet à Jésus de prendre toute sa place, celle de Messie. Il reconnaît que Jésus est le premier, même s’il vient après lui. Il ne se sent pas digne d’être même l’esclave de ce Maître.
Jean-Baptiste nous entraîne dans son sillage : sa vie est toute remplie de la joie de la confiance en Jésus et de la joie humble de celui qui se met au service de l’amour de Dieu et de ses frères. C’est ce qu’il nous invite aussi à vivre en ce temps de l’Avent.
C’est de cela que nous avons à être témoins : la venue du Christ en notre chair, la rencontre du Christ donne-t-elle sens à notre existence, est-elle pour nous aussi la source d’une joie profonde ?
Que Jean-Baptiste nous ouvre à la joie spirituelle, à la louange parce que Dieu ne cesse pas d’agir en nos vies.
samedi 12 décembre :
Chers frères et sœurs,
On ne s’attend pas à cela dans le temps de l’Avent, alors que nous nous préparons à la joie d’une naissance… Déjà la figure d’Elie donne à la croix de se profiler : « Le Fils de l’homme va souffrir par eux » (Mt 17,10-13). La naissance de Jésus ne va pas sans cette perspective de la vie donnée (Jésus naît dans une mangeoire, comme pour signifier qu’il est déjà donné) ; parce que Jésus vient assumer notre condition humaine de la naissance à la mort, en traversant aussi nos souffrances et nos épreuves.
Nous sommes dans l’Evangile à un tournant dans la vie du Christ ; après avoir annoncé le Royaume, après avoir guéri et pardonné, il vient d’annoncer à ses disciples sa Passion. Jésus vient d’apparaitre transfiguré, entouré de Moïse et d’Elie ; les disciples ne comprennent pas, ou peut-être plutôt ne veulent pas comprendre. Comment en effet penser en même temps la vocation d’un Messie triomphant, et ce destin tragique annoncé ? C’est toujours la difficulté, qui est aussi la nôtre, d’accepter que les choses se passent selon le désir de Dieu et non selon le nôtre. Long chemin intérieur de toute une vie pour entrer dans la volonté du Seigneur.
Elie a connu cela, lui qui a dû convertir son image de Dieu : Elie le prophète puissant et redoutable, Élie qui « surgit comme un feu » (Si 48,1). Elie est rempli d’un « zèle jaloux pour Dieu » (1 Rois19,14) ; il assèche le pays pour avertir le roi Achab qui adore les idoles. Dans un geste fort peu évangélique, il n’hésitera pas à faire égorger sauvagement les quatre cent cinquante prophètes de Baal, avec une ironie féroce contre l’idole qui ne répond pas et semble dormir ; il revendique un Dieu Tout-Puissant et vengeur… Élie, découragé, victime de déprime intense, et souhaite mourir ; il s’endort au pied d’un genêt : « C’en est assez, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères » (1 R 19,4). Un ange le réveille et lui donne à manger ; Élie va marcher quarante jours jusqu’au mont Horeb ; là il croit rencontrer Dieu dans les phénomènes extraordinaires, ouragan, tremblement de terre ; feu, mais Dieu n’est pas présent dans ces signes de Toute-Puissance. Il va devoir convertir son idée d’un Dieu vengeur et découvrir que Dieu au contraire se révèle autrement ; il est présent dans la douceur, dans « la voix d’un fin silence » (1 Rois 19,12).
Jésus éclaire les événements par les Ecritures ; mais c’est aussi l’Ecriture qui s’éclaire par les événements. Elie nous parle de Jean-Baptiste ; et celui-ci est précurseur aussi dans son emprisonnement et sa fin tragique ; il annonce la mort de Jésus.
Demandons au Seigneur d’accueillir de façon renouvelée sa naissance, avec tout le poids d’humanité qu’il assume avec nous et pour nous, jusque dans le tragique de nos vies. Seigneur, « fais-nous vivre et invoquer ton nom ! », demandons cela au Seigneur, comme le chante le psaume de ce samedi.
vendredi 11 décembre :
Chers frères et sœurs,
Jésus dans l’Evangile de ce jour, nous parle de la Sagesse de Dieu qui s’exprime en Jean-Baptiste, le précurseur, et dans le Fils de l’Homme. Et il la compare, en une splendide image, à des musiciens qui entraînent les hommes dans le rythme des instruments en une danse effrénée. Jésus nous fait entrer dans sa danse, devant l’amour infini de son Père. Qu’est-ce qui nous empêche d’entrer dans la danse ? La danse est signe de louange, de joie. Et elle exprime cette reconnaissance du cœur devant la Sagesse de Dieu qui parle en Jean-Baptiste et en Jésus.
On peut penser à l’épisode si caractéristique de l’amour de David pour Dieu, lorsqu’il danse devant l’Arche d’Alliance (2 Sam 6, 16-17) qui entre dans Jérusalem, ce qui choque Mikal, la fille de Saül, lorsqu’elle voit le roi sauter et tournoyer devant le Seigneur, ce qui lui paraît indigne de son rang. Dans son cœur, elle le méprise.
Jésus reproche à ceux qui l’écoutent leur inconstance et leur esprit chagrin : ils sont comme des gamins qui ne savent pas ce qu’ils veulent ; ils ne veulent pas entrer dans la danse du Royaume ; remarquons que c’est aux antipodes de l’esprit d’enfance ; Jésus nous demande de devenir comme des « tout-petits » : l’esprit d’enfance, qu’il nous propose de vivre, est simplicité, émerveillement, capacité à admirer… Quelques versets plus loin, Jésus loue le Père de révéler ses secrets et donc sa Sagesse non pas d’abord aux sages, mais aux tout-petits (Mt 11,25). Le prophète Zacharie décrivait déjà le salut à venir en disant : « les places de la ville seront pleines de petits garçons et de petites filles qui viendront y jouer » (Za 2,5).
Les « gamins » ne sont pas les « tout-petits » que désire le Seigneur, parce qu’ils sont blasés, grincheux, boudeurs, râleurs, bref un peu gaulois. Ils reprochent à Jean-Baptiste et à Jésus deux choses absolument contradictoires. Ils dénoncent le Baptiste pour son ascétisme et Jésus pour sa gloutonnerie et ses fréquentations plus que douteuses.
Le Seigneur par le prophète Isaïe dénonce aussi la difficulté de son peuple à le suivre ; et à cause de cela, il a du mal à accueillir la paix que Dieu veut pour lui. Accueillir le Royaume c’est en accueillir la présence à chaque instant comme il se révèle, et non l’enfermer dans ce que nous souhaiterions (ce serait quand même mieux si Dieu agissait comme je le veux !).
Ce sont les enfants de la Sagesse, les tout-petits qui accueillent le Royaume avec simplicité qui accomplissent les œuvres de Dieu. L’éternelle musique de la Sagesse trouve son accomplissement dans nos actes lorsqu’ils répondent à la justice, c’est-à-dire à la sainteté de Dieu. La Sagesse dans la Bible désigne l’action de Dieu dans l’histoire. Pour l’Evangéliste Matthieu, le Christ est lui-même la Sagesse personnifiée. Sommes-nous du côté des gamins capricieux ou du côté des tout-petits en ce moment ? Si nous râlons face aux événements, entrons dans la danse de la louange pour l’amour de Dieu qui agit en nos vies !
jeudi 10 décembre :
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, Dieu nous prend par la main pour nous réconforter : « Ne crains pas, je viens à ton secours » (Is 41,13).
C’est donc Dieu qui nous tend la main ; et nous avons pris conscience, en ces temps où nous ne pouvons plus nous serrer la main, de l’importance de ce geste simple et très humain de proximité, d’encouragement, de confiance. Nous pouvons repenser au génial doigt tendu de Dieu dans la fresque de Michel-Ange de la création d’Adam….
Dieu en un geste très humain saisit la main de son peuple pour le protéger, pour lui transmettre sa force. La venue de Dieu dans la chair en Jésus va d’ailleurs inverser ce geste de la main tendue : en Jésus l’homme peut toucher Dieu ; c’est ce qui bouleversera tous ceux qui ont croisé et qui croisent encore aujourd’hui le chemin du Christ… « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1,1-3).
L’annonce de la venue du Salut est faite par Dieu en termes très parlants pour un peuple qui habite un pays sec et parfois désertique ; la présence de l’eau est dans ces pays une question de vie ou de mort : comme lors de la traversée du désert pour Moïse, Dieu fera « jaillir des sources », il étanchera toute soif en Christ : « Venez à moi, vous tous qui avez soif » (Jn 7,37). Le désert deviendra habitable et transformé en paradis avec de l’eau jaillissante en abondance et des arbres nombreux, signe de fertilité, rappelant les arbres de l’Eden. Dieu ne cesse pas de manifester qu’il vient nous sauver, comme s’il venait renouveler la création. Il le fera pour nous à Noël en se faisant homme, nous prenant par la main et apaisant nos soifs les plus essentielles.
Telle est notre joie, de savoir que Dieu nous prend par la main et de sa main nous protège : « Tu mettras ta joie dans le Seigneur ; dans le Saint d’Israël, tu trouveras ta louange ».
C’est en tendant la main vers le Christ que Jean-Baptiste le désignera comme la source vive. Jésus lui rend hommage, en disant de lui qu’il n’y a personne de plus grand et en ajoutant, paradoxe total, que « le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui » (Mt 11,12). Comment comprendre cela ?
L’ opposition dont parle Jésus est entre « ceux qui sont nés de la femme », il parle là de la naissance physique, et ceux qui sont « nés d’en-haut », comme il dit à Nicodème (Jn 3,3) et il s’agit-là de la naissance à la vie de Dieu. Non pas que Jean-Baptiste ne démérite. Mais Jésus veut par ces paroles provoquantes nous amener à réfléchir à notre engagement à sa suite : tant que nous nous appuyons sur les forces seulement humaines, certes nous pourrons grandir jusqu’à un certain point, mais si nous nous laissons grandir grâce à Dieu, en nous faisant petits, nous obtiendrons paradoxalement une grandeur plus belle : « Cherchez le Royaume, dit Jésus ailleurs, tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6,33).
Plutôt que de vouloir nous prendre en main tout seul, prenons plutôt la main de Dieu !
mercredi 9 décembre :
Chers frères et sœurs,
C’est Dieu qui peut donner des forces aux hommes qui mettent leur espoir en lui. Dieu parle à Jacob, avec qui il a fait Alliance, et donc à son peuple, Israël : Dieu lui demande de ne jamais désespérer. Quoiqu’il nous arrive, même si, comme le peuple de Dieu, nous avons parfois l’impression que Dieu nous a oubliés, que nous lui sommes cachés, nous devons continuer à lui parler.
La faiblesse de l’homme peut puiser une force et une vitalité en Dieu qui « ne se fatigue et ne se lasse jamais » (Is 40,28). Le Seigneur est le réconfort pour celui qui faiblit sur son chemin : « il rend des forces à l’homme fatigué ». Il suffit de continuer à espérer en son amour et en sa fidélité. Même les meilleurs dans l’histoire sainte se sont parfois retrouvés anéantis, épuisés : ainsi Elie, lassé de fuir la reine Jézabel, s’assied sous un genêt et entre dans une déprime carabinée et demande au Seigneur que cela cesse : « C’en est assez, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères (1 R 19,4). C’est aussi Jean-Baptiste, l’homme de l’Avent parce qu’il nous montre le chemin du Christ : lorsqu’il est emprisonné par Hérode, il est pris par le doute : Jésus est-il bien celui qu’il a annoncé ? Jésus le fait réconforter en lui rappelant les signes qu’il a accomplis (Mt 11,4) ; juste après cet épisode, Jésus invite à décharger nos fardeaux humains en lui.
Ceux qui se confient en Dieu vont vivre un nouveau temps de grâce, comme celui du retour en Terre Promise, où ils rentreront sur leur terre sur les ailes d’un aigle : «Ils déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer » (Is 40,31) ; cela rappelle le temps de la libération de l’esclavage en Egypte et de la traversée du désert où Dieu dit à son peuple : « Vous avez vu comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et vous ai amenés jusqu’à moi » (Ex 19,4) ; l’aigle est une image étrange pour nous pour parler de Dieu qui libère, porte et conduit son peuple (voir les ailes de chérubins qui entourent l’Arche : selon la Tradition, l’Arche d’Alliance abrite les Tables de la Loi, elle protège le peuple hébreu pendant ses quarante années dans le désert).
Dieu dans sa toute-puissance est réconfort : il fortifie son peuple affaibli en lui donnant des « ailes » ! Sa force n’écrase pas, elle relève l’homme découragé ; on peut penser à l’action de grâce de Marie dans le Magnificat : « Le Seigneur relève Israël son serviteur, il se souvient de sa miséricorde » (Lc 1,54).
C’est bien aussi ce que nous entendons dans l’Evangile de ce jour : lorsque nos vies semblent lourdes à porter, Jésus nous invite à nous reposer en lui.
A ceux qui sont surchargés, fatigués, découragés, Jésus propose de devenir ses disciples, puisqu’il est doux et humble de cœur. Le repos promis à ceux qui se feront ses disciples n’est pas un effacement magique des peines et des fatigues de nos vies : porter le joug et nos croix avec le Christ est une force. Nous faisons alors l’expérience avec lui des lourds fardeaux devenus légers.
Le fardeau devient léger quand il est porté avec un autre (Ga 6,2 « portez les fardeaux les uns des autres »), combien plus avec le Christ ! Puisque nous ne sommes pas seuls à porter le fardeau ; Christ fait la traversée avec nous.
Se mettre à l’école du Christ, c’est donc faire l’expérience des humbles qui savent s’appuyer sur Dieu, quand ils ne peuvent plus rien : c’est donc une école de confiance et de simplicité.
C’est ce qu’avait bien compris la petite Thérèse de Lisieux qui proposait de se tenir devant Dieu « les mains vides ».
Seigneur donne-nous de nous reposer en ton amour, en toute confiance, comme un tout-petit entre les bras de ses parents.
mardi 8 décembre :
Chers frères et sœurs,
Quelle merveille que ce texte de l’Annonce faite à Marie, où la joie rayonne en Marie, parce qu’elle a pleinement accueilli l’amour de Dieu dans toute sa vie, sans aucune restriction ni hésitation :« Le Seigneur est avec toi ».
« Réjouis-toi parce que tu es Comblée de grâce », ainsi Gabriel salue-t-il Marie (verset 28), en deux mots parallèles qui parlent de la grâce de Dieu (« réjouis-toi », est un mot dérivé du mot grec qui exprime la grâce). Marie est remplie d’une double dose de grâce, c’est-à-dire de l’amour de Dieu en plénitude ; « Tu as trouvé grâce », ajoute encore l’Ange Gabriel peu après, marquant l’empreinte magnifique de la grâce active en Marie. L’annonce faite à Marie est un appel à la joie.
Marie est préparée par la grâce de Dieu: le verbe grec prononcé par l’ange indique que Marie a été transformée par la grâce de Dieu ; nous retrouvons d’ailleurs le même verbe dans le texte de Paul de ce jour: « A la louange de gloire de sa grâce, la grâce dont il nous a gratifié dans le Fils bien-aimé » (Ep 1,6 ), que st Jean Chrysostome, un Père de l’Eglise, traduit par : « Dieu nous a transformés par cette grâce merveilleuse » ; c’est cette grâce de Dieu qui nous obtient le pardon, dit Paul dans le prolongement de cette phrase. Par le baptême nous sommes tous touchés et changés par la grâce de Dieu. Marie est la première à avoir accueilli en elle la grâce en plénitude ; elle est marquée en profondeur par la grâce de Dieu dès le premier moment de son existence. La grâce de Dieu la précède, la prépare et l’accompagne. C’est pour cela que l’on peut parler de l’Immaculée Conception de Marie, Marie conçue sans péché. Dieu l’a préservée du péché pour qu’elle puisse accueillir en elle le Sauveur.
Marie est totalement remplie du désir de Dieu.
Et cette grâce qui accompagne Marie est la source de son consentement plein d’allégresse au désir de Dieu que vient lui exprimer l’Ange Gabriel : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole ». Le « oui » de Marie au désir de Dieu est l’expression d’un « joyeux désir de collaborer à ce que Dieu prévoit pour elle. C’est la joie de l’abandon total au bon vouloir de Dieu » (Ignace de la Potterie). La joie est bien la tonalité dominante de ce texte du début à la fin.
Nous pouvons méditer avec le pape émérite Benoît XVI sur ce que Marie nous invite nous aussi à vivre : comme elle, nous avons à recevoir en nous le Christ : « Contemplant chez la Mère de Dieu une existence totalement modelée par la Parole, nous découvrons que nous sommes, nous aussi, appelés à entrer dans le mystère de la foi par laquelle le Christ vient demeurer dans notre vie. Chaque chrétien qui croit conçoit et engendre en un certain sens le Verbe de Dieu en lui-même ; s’il n’y a qu’une seule Mère du Christ selon la chair, en revanche selon la foi le Christ est le fruit de tous » (Verbum Domini 28).
La vie toute donnée à Dieu de Marie nous apprend que « L’homme qui se tourne vers Dieu ne devient pas plus petit, mais plus grand, car grâce à Dieu et avec Lui, il devient grand, il devient divin, il devient vraiment lui-même » (Benoît XVI en la solennité de l’Immaculée Conception, le 8/12/2005).
lundi 7 décembre :
« Nous avons vu l’incroyable aujourd’hui ! » (Lc 5,26).
Après la guérison du paralytique, les foules nombreuses qui ont été témoins de la guérison et du pardon donné à cet homme, rendent grâces pour ce salut qu’ils ont pu voir à l’œuvre et qui a rempli leur quotidien d’étonnement : Jésus accomplit ainsi les paroles du prophète, lorsqu’il guérit les cœurs lents à croire et remet debout le paralytique : « S’ouvriront les yeux des aveugles, les oreilles des sourds. Alors bondira comme un cerf le boiteux, et la bouche du muet criera de joie » (Is 35,6)
L’« aujourd’hui » du salut est si important dans l’Evangile de Luc. Ce petit mot n’a l’air de rien, mais il exprime l’actualité de l’amour du Père et donne du poids à chaque instant de notre vie : en ce jour qui est le mien, Jésus vient à moi. Jésus est l’aujourd’hui de la grâce de Dieu.
Jésus reviendra plusieurs fois sur cet « aujourd’hui du salut » : puisqu’il entre dans l’histoire par sa naissance, il entre aussi dans le présent des hommes ; c’est ce que nous fêterons à Noël devant la crèche :« Aujourd’hui vous est né un sauveur » (Lc 2,11). Et cet aujourd’hui de sa venue dure toujours.
« Aujourd’hui, cette Parole s’accomplit » (Lc 4,21), dit Jésus lorsqu’il lit la Parole du prophète Isaïe au début de sa mission, à la synagogue de Capharnaüm ; en Jésus la Parole de Dieu trouve son accomplissement : cette actualité de la Parole est une joyeuse nouvelle de libération, de guérison, de grâce ; Jésus est venu pour donner le salut de Dieu.
Jésus insiste sur ce salut pour Zachée qui est invité à l’accueillir dans sa vie quotidienne ; Jésus nous rejoint toujours par sa Parole, là où nous sommes : « Aujourd’hui, chez toi que je veux demeurer… Aujourd’hui le Salut est arrivé pour cette maison » (Lc 19, 5.9) ; ce qui a transfiguré le quotidien de Zachée et sa maison, c’est d’être envahis par la présence de Jésus et par son salut. Une des dernières paroles de Jésus insiste sur la plénitude de vie promise à celui qui exprime sa confiance en Jésus, le crucifié, au milieu du tragique de son existence. Jésus promet au bon larron une vie de communion avec lui immédiate :« Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23,43).
L’Evangile n’est pas une « lettre morte », elle est une parole de vie pour aujourd’hui. La Parole de Jésus-Christ nous place toujours dans cet aujourd’hui d’une parole actuelle, pleinement contemporaine. La Parole de Jésus est toujours pour aujourd’hui pour les croyants qui la lisent ou l’écoutent.
Le prophète Isaïe chante la libération, la joie du retour d’exil à Jérusalem : la création blessée par le péché des hommes sera associée à la paix donnée par le Seigneur, elle aura part à la joie du peuple de Dieu. « Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent… Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient ».
« Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la bienveillance de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver » ; la seule « vengeance » de Dieu est celle de la bonté.
« Nous avons vu des choses extraordinaires aujourd’hui ! » (Lc 5,26). Puissions-nous pousser cette exclamation d’émerveillement aujourd’hui, et en rendre grâces à Dieu !
dimanche 6 décembre :
Chers frères et sœurs,
Quelle est la dernière bonne nouvelle que nous ayons reçue ? Il y en a forcément une, même au milieu de notre temps d’épreuve. La bonne nouvelle de la guérison d’un ami cher ? Celle de la réussite d’un examen ? Celle de la victoire de notre équipe de foot préférée ? Celle d’une naissance attendue ? Celle de la reprise des messes ?… Qui ne souhaiterait pas accueillir une bonne nouvelle… C’est toujours une joie d’attendre ou d’apprendre une bonne nouvelle qui nous réchauffe le cœur et que l’on a envie de partager avec ses plus proches. L’Evangile est-il pour nous encore une « heureuse annonce » ? C’est ce que dit le deuxième mot de l’Evangile de Marc : « commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ».
Au temps de Jésus, ce terme de « Bonne Nouvelle » qui a donné le mot Evangile, désignait un événement choc qui marquait un tournant dans la vie des hommes : la proclamation d’une victoire, ou l’intronisation d’un nouveau roi.
Dans l’histoire sainte, le terme finit par désigner le salut donné par Dieu : « Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem », avons-nous entendu dans la première lecture.
Le prophète Isaïe annonce une « voix » mystérieuse proclamant dans le désert la venue du Seigneur ; elle invite les hommes à préparer comme une gigantesque autoroute, aplanissant les obstacles qui pourraient empêcher d’accéder au Seigneur « Tracez droit… tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! Les escarpements changés en plaine, et les sommets, en large vallée ». Cette voix qui trace et ouvre la voie, bien sûr c’est Jean-Baptiste.
Celui-ci est chargé de préparer le chemin au Messie attendu par le peuple de Dieu. Etrange personnage en vérité que cet homme qui semble avoir rompu les amarres des conventions sociales, vivant dans le désert, vêtu de poils de chameau et se nourrissant de sauterelles. Un genre de prophète hippie de l’époque.
Le Messie attendu par le peuple de Dieu, est celui qui va « annoncer la bonne nouvelle aux humbles » (Is 61,1). Pour nous c’est le Christ qui accomplit ces paroles.
Cette Bonne Nouvelle dont parle Marc est un « commencement » sans pareil ; elle est précédée par l’annonce des prophètes : l’Evangéliste démarre son récit par un assemblage de paroles de l’Exode et de prophètes (Malachie et surtout Isaïe) ; le peuple de Dieu va connaître un nouvel exode et une libération définitive. Jésus qui est Fils de Dieu et Messie, le nouveau David, va accomplir cela. Comme Fils de Dieu, Jésus offre aux hommes l’unique « Bonne Nouvelle » qu’aucun empereur ne serait en mesure de proposer. Il y a dans le Christ, ce petit enfant né faible dans une étable, bien plus que dans la force armée de l’Empereur romain.
C’est un moment où l’histoire converge : la venue du Sauveur, le Fils de Dieu, annoncé par un prophète, porté dans le sein d’une femme, humble et sainte, Marie.
Au début de son récit rapportant les actes et les paroles de Jésus, l’Evangéliste Marc veut montrer l’importance de la venue du Fils de Dieu dans le monde et sa présence toujours actuelle dans la vie de tout homme. Christ vient apporter toute nouveauté, sous des débuts humbles.
« Nous attendons, dit Pierre, un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice ».
Accueillons de façon renouvelée l’inattendu de cette Bonne Nouvelle !
samedi 5 décembre :
Chers frères et sœurs,
Comme elles sont réconfortantes ces paroles du prophète Isaïe ! Certains ont même pu parler d’Isaïe comme le 5° Evangéliste ; c’est en tout cas une magnifique préparation à l’Evangile !
Le prophète annonce que Dieu veut faire grâce à ceux qui espèrent en lui. En ce temps de venue du Messie, le cœur de l’humanité sera changé, les yeux verront, les oreilles entendront, les biens de la terre abonderont… Ce sera aussi le temps du renouvellement des miracles du désert, ceux de la manne et de l’eau jaillie du Rocher, lorsque Dieu marchait avec son peuple.
Ce jour béni sera le « jour où le Seigneur pansera les plaies de son peuple et guérira ses meurtrissures ».
Toutes ces prophéties d’Isaïe annoncent évidemment la venue de Jésus qui va renouveler les grâces des premiers temps, lorsque le peuple de Dieu entrait en Terre Promise. Jésus vient panser les plaies de l’humanité et la remettre debout : il vient « guérir toute maladie et toute infirmité ».
Jésus annonce donc ce Royaume où Dieu son Père fait grâce : « Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles, parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger ».
Avez-vous remarqué un détail curieux ? La première chose que demande Jésus pour aider ces foules qui errent sans berger, ce n’est pas de « retrousser ses manches », mais il demande d’abord de prier… Comme pour nous dire : quand les vies de nos proches sont dures la première chose est de prier pour que Jésus agisse en ses ouvriers, c’est-à-dire en chacun de nous. Comme pour nous rappeler que l’initiative viendra toujours d’abord de Lui. L’image de la moisson indique une urgence : lorsque les blés sont mûrs, la moisson n’attend pas. Face à l’urgence, le premier réflexe devrait être de se tourner vers Dieu : il est le maître de l’impossible.
On raconte que Sainte Claire d’Assise, face à quelqu’un qui lui annonçait que le monastère était en feu, aurait eu comme réponse : l’affaire est trop grande pour moi pour que j’en sois troublée ; autrement dit, lorsque les choses sont graves c’est surtout l’affaire du Christ ! C’est un peu ce que nous dit le Christ aujourd’hui : pour les affaires qui vous dépassent, comptez sur moi et confiez-les moi !
Et le fait de prier Dieu nous met à sa disposition pour la moisson ! Elle nous rend disponibles pour servir nos frères.
Le Seigneur écoute nos cris, toute la Bible en témoigne : « À l’appel de ton cri, le Seigneur te fera grâce. Dès qu’il t’aura entendu, il te répondra », comme nous le dit Isaïe.
Redoublons notre prière en ce temps d’Avent, Dieu vient faire grâces ! Confions-lui, même et surtout, ce qui nous apparaît impossible, car il vient le Berger qui nous conduit à Dieu.
vendredi 4 décembre :
Chers frères et sœurs,
« Sois bon pour nous » : Jésus est invité à un geste de compassion par deux aveugles croisés sur son chemin. S’attendent-ils à ce qu’il leur redonne la vue ? D’une certaine façon, on peut dire que ces deux aveugles voient déjà, puisqu’ils reconnaissent en Jésus le Messie, lorsqu’ils l’interpellent comme « Fils de David » ; seuls ces aveugles et les enfants dans leur simplicité et candeur acclament Jésus de ce nom lors de la fête des Rameaux (Mt 21,15). Sans doute ces hommes ont-ils « vu » ou plutôt entendu Jésus agir, guérir, pardonner… Ce qui leur donne l’audace de faire appel à sa miséricorde.
Le prophète Isaïe avait annoncé les merveilles que le Seigneur accomplirait pour son peuple : les sourds qui entendent, les aveugles qui voient, les humbles qui se réjouissent de la bonté du Seigneur.
« Avez-vous confiance que je peux faire cela ? » leur répond Jésus. Le Christ pousse ces aveugles qui crient vers lui à exprimer leur désir le plus profond et leur confiance. La foi est ce qui va ouvrir leurs yeux. Et cette foi va délier leur langue ; ils ne peuvent pas s’empêcher de rendre témoignage, malgré l’invitation de Jésus à se taire ! Jésus part de notre foi pour agir en nous et par nous.
Une magnifique prière de la liturgie de la messe dit ceci : « Dieu qui comble ceux qui t’implorent bien au-delà de leur désir, répands sur nous ta miséricorde en donnant plus que nous n’osons demander » (Prière du 27 ° dimanche). Dieu donne toujours au-delà de ce que nous osons lui demander.
« Puisque vous avez confiance, que cela se réalise pour vous ». C’est ce que nous demandons dans le Notre Père : « Que ton désir se réalise » ; c’est aussi ce que Jésus dira au jardin des Oliviers pour entrer dans la volonté de son Père de sauver l’humanité et de lui donner le pardon.
Quand Jésus accomplit des gestes de guérison, il réalise le désir du Père qui est de donner la vie, de remettre debout, de pardonner… C’est le Royaume des cieux qui se manifeste dans les actes de Jésus. Le Christ, qui accomplit les gestes du Messie, touche les yeux des aveugles qui sont guéris. Jésus est celui qui libère, remet debout, et emmène à sa suite.
Comme autrefois, Jésus passe à nos côtés ; il nous invite à découvrir sa présence dans la réalité humble et parfois tragique de nos vies. Il faut juste accepter de se laisser « réveiller » par celui qui donne la force de Dieu et nous précède et nous accompagne sur nos chemins.
Un magnifique désir habite le cœur du psalmiste que nous méditons en ce jour : « J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie » (Ps 26).
Puisse ce désir d’être avec le Seigneur à tout instant habiter notre cœur en ces jours de préparation à sa venue !
jeudi 3 décembre :
Chers frères et sœurs,
« Prenez appui sur le Seigneur, à jamais, sur lui, le Seigneur, le Roc éternel » (Is 26,4).
Le rocher dans la Bible est un des symboles pour nous parler de la fidélité de Dieu ; le temps de l’Avent nous est donné pour célébrer cette fidélité du Seigneur qui est solidité, force, pardon.
Le rocher sur lequel l’homme peut s’appuyer dans sa fragilité, c’est Dieu : ainsi s’exprime le psaume de ce jour : « Mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes ! ».
« Je t’aime Seigneur, ma force ; Seigneur mon roc, ma forteresse, Dieu est mon libérateur, le rocher qui m’abrite » (Ps 17,2). Dieu est le rocher parce qu’il donne le salut. Dieu est pour l’homme un appui, un bouclier, un rempart, un abri, une citadelle, il est le soutien des humbles et des pauvres (Is 26,6) …
En ce monde où tout change et passe, Dieu seul demeure ; l’homme peut s’appuyer sur lui en toute confiance, parce que Dieu est fidèle à son projet de salut pour toujours. « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Lc 21,33), entendions-nous il y a quelques jours.
La parabole de la maison bâtie sur le roc nous dit que construire sa vie sur le roc, c’est prendre Jésus pour fondation. Si c’est le cas nous pouvons traverser toutes les tempêtes de notre vie dans la confiance en l’amour de Dieu. « Si vous ne tenez pas à moi, vous ne tiendrez pas » (Is 7,9).
Dieu est rocher : c’est aussi dans la Bible une façon de dire qu’il est source de vie : ainsi lorsque Moïse frappe le rocher dans la longue route du désert aride, il en jaillit de l’eau ; c’est le signe de la fidélité de Dieu qui accompagne son peuple dans sa marche (Nb 20,11). Le rocher est le signe du salut de Dieu pour son peuple assoiffé. Paul relit dans cet épisode la présence de Jésus-Christ dès les premiers temps du Salut : « Tous ont mangé la même nourriture, qui était spirituelle ; tous ont bu à la même source, qui était spirituelle ; car ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c’était déjà le Christ » (1 Co 10,1-5).
Jésus est la pierre d’angle choisie par Dieu, « rejetée par les bâtisseurs » (Ps 118,22), sur laquelle tout repose. En ce monde mouvant, où tout semble bouger (en un monde « liquide », comme on dit aujourd’hui), Jésus nous invite à nous appuyer fermement sur son amour, pour que notre « maison » intérieure soit solidement bâtie.
Remarquons qu’à chaque fois que nous disons « Amen », nous disons : « je te fais confiance, Seigneur, parce que ton amour est sûr, solide, sans failles ». Nous reconnaissons par-là que Dieu nous soutient, qu’il est notre solidité, notre roc.
La symbolique de l’autel reprend cette image du Christ, Roc pour l’humanité : l’autel, la table de l’Eucharistie placée au centre, est le vrai cœur de l’Eglise. L’autel en pierre signifie, de manière permanente, le Christ Jésus, « pierre vivante » (1P 2,4 ; cf. Ep 2,20) sur lequel nous pouvons appuyer notre foi.
« Crions de joie pour le Seigneur, acclamons le rocher qui nous sauve » (Ps 94,1).
mercredi 2 décembre :
Chers frères et sœurs,
Voilà de quoi nous mettre l’eau à la bouche en ce début d’Avent ! Le prophète Isaïe annonce le festin messianique, lors de la venue du Messie : « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés » (Is 25,6). Dieu veut donner en partage ce qui lui est ordinairement réservé dans les sacrifices ; Dieu offre à l’homme ce qui lui est destiné : la graisse pour les sacrifices de communion était offerte à Dieu et ne pouvait pas être consommée, de même le vin capiteux. Tous les peuples sont conviés à cette fête pour partager la joie de Dieu. Souvenons-nous de la petite parabole de l’Evangéliste Luc où Jésus parle d’un maître, image de Dieu le Père, qui se met au service de ses serviteurs : « au retour des noces, la ceinture autour des reins, il les fera prendre place à table et passera pour les servir » ( Lc 12, 37).
Cette promesse du festin messianique est une image permanente dans la Bible pour parler des relations avec Dieu : le repas pascal, le veau gras du Fils prodigue, le repas des noces de Cana, les multiplications des pains, la dernière Cène…
Le repas bien sûr est signe de communion avec Dieu, en même temps que de liens humains en profondeur. Dans nos vies, lorsque nous voulons communiquer notre joie, tout finit toujours par un repas (cf. les images finales du banquet dans Astérix).
A cette perspective alléchante du festin des viandes grasses et des vins capiteux est liée la promesse de la fin des larmes et de la mort : cela nous rappelle un passage lu récemment de l’Apocalypse : « Le Seigneur essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » ( Ap 21,4). Il n’est pas de communion avec Dieu qui ne soit pas liée au bonheur sans fin et sans limites. C’est le retour en grâce du peuple élu.
Tout ceci exprime l’action merveilleuse de Dieu dont l’amour surabonde toujours ; « Dieu est un refuge pour le faible dans la détresse » (Is 25,4) ; c’est aussi le signe qui est donné par Jésus, quand il est ému de compassion face à la foule rassemblée autour de lui, et qui risque de défaillir à cause de la faim qui les tenaille : il multiplie alors la grâce pour les foules. Jésus rassasie les foules et même infiniment plus, puisque c’est un geste surabondant, signe de la générosité de Dieu : toutes les versions (5 versions différentes dans les Evangiles, c’est dire l’importance de cet acte de Jésus !) parlent de la surabondance du don que fait Jésus (ici sept corbeilles en surplus).
A la joie que Dieu a de partager son festin à tous les peuples, répond l’action de grâces pour l’amour de Dieu manifesté, le peuple entonne alors une acclamation de joie communautaire : « Exultons, réjouissons-nous : le Seigneur nous a sauvés ! » (verset 9).
« Voyez, c’est lui notre Dieu » : c’est dans un petit enfant que nous contemplerons Dieu qui se donne à l’homme dans une mangeoire dans la crèche à Noël.
mardi 1er décembre :
CACHÉ DERRIÈRE
Au début de ce temps de l’Avent, le prophète Isaïe nous parle du « petit reste » du peuple de Dieu qui a fondu comme neige au soleil de Babylone ! Le petit reste, nous connaissons, nous qui prenons conscience que nous sommes minoritaires en France…Ce chapitre est comme le sommet des prophéties de l’Emmanuel (Is7,14 : « Dieu avec nous »).
C’est la fameuse souche de Jessé (le père de David) d’où jaillira un rejeton, de ses racines. L’olivier qui symbolisait la lignée de David va être coupé ; il n’en restera qu’un petit rien qui suffira pour l’avenir ; cette racine révèlera une vitalité extraordinaire. Dieu fait infiniment des choses magnifiques à partir de ce qui semble n’être rien. D’une jeune pousse fragile, la vie va renaître. La vie ressurgira malgré toutes les apparences. Dieu n’est jamais mis en échec. Il fait toujours du nouveau. Tout cela dépasse l’imagination humaine.
Ce rejeton, possédera la justice et la force d’un roi ; il sera comme un nouveau Salomon, le roi de paix ; il sera un roi selon le cœur de Dieu ; il ne jugera pas d’après les apparences et prendra soin des petits et des faibles. C’est bien sûr le portrait de celui que nous attendons à Noël, Jésus, sur qui l’Esprit-Saint repose en plénitude.
Grâce à cet imprévu de Dieu, la paix messianique règnera sur la terre : « Il n’y aura plus de mal ni de corruption », parce que la connaissance de Dieu, c’est-à-dire un amour actif remplira la terre. Grâce à lui le cosmos sera pacifié, symbolisé par les animaux qui vivront en harmonie totale : ceux qui sont normalement antagonistes et violents les uns pour les autres, deviennent amis, le loup qui vit avec l’agneau, l’enfant qui joue avec le cobra… Il n’y aura plus de rapports de forces.
La phrase centrale de ce temps messianique est « un petit garçon les conduira » ; cet enfant resplendissant, nous voyons bien de qui il s’agit, le prince de la Paix que nous attendons. Jésus est ce Messie surprenant.
Dieu va instaurer un nouveau monde qui deviendra comme le prolongement de sa « sainte montagne » où l’innocence et l’harmonie règneront sans fin (verset 9). Ce qui n’est encore que racine cachée va devenir signe de rassemblement pour tous les peuples.
Dieu va répondre au désir des hommes de vivre en paix par le don de l’Esprit.
C’est ainsi que dans l’Evangile Jésus loue le Père pour « les tout-petits » auquel l’amour est donné par surcroît. Ces tout-petits comprennent avec le cœur ce qui est caché aux sages et aux savants. Préparons notre cœur pour accueillir le tout-petit qui est le Tout-Puissant ; préparons aussi notre cœur pour que nous devenions ces « tout-petits » que Jésus admire parce qu’ils connaissent Dieu de l’intérieur. Bon temps d’Avent !
lundi 30 novembre :
LA BOUCHE, LE CŒUR ET LES PIEDS
Si nous avions des doutes sur le fait que notre foi est incarnée, les textes de la fête de Saint André nous le rappellent utilement !
La foi prend toute notre humanité ; elle nous prend tout entier, ou elle ne prend pas en nous ; elle ne doit pas seulement avoir un petit strapontin dans notre cœur et notre agenda hebdomadaire ; ou alors nous sommes des touristes de la foi, prenant de temps en temps la température de l’eau baptismale, mais pas trop souvent parce qu’elle risque d’être froide !
La foi ne fait pas seulement appel à notre intelligence ; comme on dit, elle doit descendre de la tête au cœur ; si la raison est importante pour une foi intelligente, elle serait desséchante sans adhésion de notre cœur : c’est ce que disait le philosophe Pascal dans ses Pensées : « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison ». C’est pourquoi méditer la Parole nous fait descendre dans les profondeurs de l’amour divin.
C’est ce que nous redit Paul en ce jour :« C’est avec le cœur que l’on croit pour devenir justes ».
Et Paul, après avoir parlé du cœur de la foi, dit que cette foi dit déborder de notre cœur, en parole, et en actes (pour « devenir justes ») : « c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut ». Une foi qui ne trouverait pas son expression verbale et active ne serait que superficielle, comme un vernis de surface. La foi demande à pouvoir s’exprimer, dans tous les sens de ce mot.
Et nous sommes comme Simon-Pierre et André son frère : la foi nous met en route : « Venez à ma suite… Ils le suivirent ». Ils ont tout laissé, leur métier y compris, pour répondre avec confiance à l’appel de Jésus et se mettre dans ses pas.
Cette marche à la suite de Jésus est à la fois intérieure : nous sommes des pèlerins qui avançons dans la foi à chaque instant ; mais elle est aussi parfois extérieure lorsque la foi nous pousse à aller annoncer l’Evangile à nos frères, ou (et) à vivre l’Evangile très concrètement comme service des autres ; tout cela invite à bouger, à sortir de nos confinements.
« Comme ils sont beaux, les pas des messagers qui annoncent les bonnes nouvelles ! ».
La foi ne peut jamais être confinée, ni en nous, ni dans le monde.
Que l’Evangile nous prenne au cœur, pour que notre bouche soit débordante de l’amour de Dieu, pour que nos mains soient actives et source d’amour, pour que nos pieds soient toujours en marche à la suite du Seigneur.
Que la foi mette toute notre humanité en mouvement, comme ce fut le cas pour le Christ : ses mains, ses oreilles, sa bouche, ses pieds, son cœur… étaient entièrement donnés, au service de tous et de chacun, à l’écoute permanente de l’amour du Père.
dimanche 29 novembre :
Le Seigneur nous parle de son absence en ce dimanche : Le prophète Isaïe nous évoque cette absence de Dieu qui semble avoir abandonné l’humanité : « Tu nous a caché ton visage ». Parfois c’est aussi le cri qui monte de nos cœurs. Que fait le Seigneur, ne peut-il pas nous débarrasser de ce satané virus qui nous empoisonne la vie et même nous empêche de le célébrer normalement ?
Celui qui n’a jamais pensé que Dieu a des absences dans sa vie peut me lancer la 1° pierre. Aïe ! Surtout n’en faites rien !
Si Jésus est parfois absent de nos pensées et de nos cœurs, il semble aussi l’être dans notre monde où nous voyons la souffrance et les désordres se multiplier devant nos yeux effrayés. La Parole de Dieu semble rejoindre notre actualité, notre expérience humaine ; que fait Dieu en tel moment de ma vie ? « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer ? », crie le prophète ; et crier vers Dieu, nous le savons, est déjà un acte de foi ! Même dans les apparences d’absence, Jésus est présent.
Non le Seigneur ne nous abandonne pas ; son absence apparente nous le cache parfois, mais le temps de l’Avent veut éveiller en nous le désir ardent de sa présence : « viens nous sauver » ; le Seigneur ne cesse pas de venir nous visiter, il ne cesse pas de vouloir nous combler de ses richesses.
Jésus dans l’Evangile nous adresse un triple appel à veiller, pour être prêt à l’accueillir à tout instant, pour être prêt à l’accueillir sans doute autrement en ce Noël qui sera si particulier ; trouvera-t-il une place préparée dans notre cœur pour le recevoir ? Tel est l’enjeu de notre Avent ; et les obstacles du moment : les gestes barrières, le confinement, ne doivent pas devenir des « barrières » qui nous empêchent d’accueillir le Christ.
Jésus nous livre une étrange petite parabole pour nous dire cela : un homme quitte sa maison, pour partir en voyage, il est absent, comme Dieu semble parfois l’être, il confie sa charge à ses serviteurs : au portier il est recommandé de veiller. Cet homme disparaît de la parabole et c’est le « Seigneur » de la maison qui réapparaît à l’improviste dans la nuit. Le Christ nous rappelle qu’il est impossible de prévoir le temps de sa venue ; il nous surprendra toujours !
Oui, le Seigneur désire nous rejoindre, là où nous sommes (et non pas là où nous rêverions d’être) ; il nous rejoint dans nos quotidiens qu’ils soient légers ou lourds, dans nos cœurs qu’ils soient serrés ou joyeux ; et si notre cœur est lourd, Paul nous promet que le Seigneur « nous fera tenir fermement jusqu’au bout ».
Le Christ nous attend avec impatience pour nous accueillir et nous donner son amour. Il nous attendra à la crèche. Ne manquons pas le rendez-vous ; il ne sera peut-être pas là où nous l’attendons, mais il sera là.
Laissons-nous surprendre par la venue du Seigneur en nos vies en ce temps de l’Avent !
samedi 28 novembre :
« Vous aurez la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme », telle est la promesse du Christ en ce dernier jour de l’année liturgique.
De la force pour nous tenir debout, nous en avons bien besoin pour traverser l’épreuve à longue durée du virus. Nous allons pouvoir reprendre petit à petit le chemin de l’Eucharistie, dans des circonstances étranges, non sans craintes et sans questions : demandons que ce ne soit pas une source de division, mais bien plutôt une force de communion entre nous mais aussi pour le monde : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples » (Jean 13,35).
Nous contemplons aussi la vision grandiose et finale de l’Apocalypse, vers laquelle tout le livre converge : la joie de la Jérusalem céleste.
Je vous invite à relire le magnifique passage en Ap 21,3-7 : « J’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé ». Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. » Et il dit : « Écris, car ces paroles sont dignes de foi et vraies ». Puis il me dit : « C’est fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement. Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils ».
La cité céleste accueille par ses douze portes toujours ouvertes (elle ne craint plus les invasions) ; elle est ouverte à toute l’humanité, elle qui est « la cité sainte descendue du ciel, resplendissante de la gloire de Dieu » (Ap 21,10 ); c’est la demeure de Dieu parmi les hommes, le lieu de la paix et de la communion accomplie ; c’est la fin des larmes, parce que Dieu lui-même essuiera toutes larmes ; la Jérusalem céleste n’a plus besoin du soleil, parce qu’elle est illuminée en permanence par le Christ. Elle n’a plus de Temple, puisque Dieu et l’Agneau y sont en présence réelle, permanente. Au milieu de la cité, un seul trône, celui de Dieu et de l’Agneau. Enfin ses serviteurs pourront voir Dieu face à face, dans l’éternité de l’amour.
La ville, c’est le Christ ; de son sein coule le « fleuve d’eau vive, limpide comme le cristal » (verset 1 ; cf Jn 7,37) ; c’est le retour de l’Eden, la Terre Promise enfin accomplie ; la bénédiction de Dieu est pleine et totale, sans retour.
La même espérance habite les paroles de Jésus dans l’Evangile de Luc de ce jour : la venue du Seigneur est pour toute l’humanité ; elle concerne « tous ceux qui habitent la surface de la terre » (verset 35). « Veillez pour avoir la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36) ; c’est ce que nous redira Jésus dès ce dimanche, quand nous entamerons notre marche vers Noël.
Christ est le premier et le dernier mot de nos histoires humaines. Gardons les yeux ouverts, et l’esprit éveillé pour découvrir à chaque instant le Christ qui vient à nous.
« Voici, je viens bientôt » (Ap, 21,7) : la venue du Seigneur est proche ; c’est une autre histoire, et c’est la même, la nôtre ; elle commence à Noël ; la boucle est bouclée ; nous sommes prêts à entrer en Avent dès ce soir !
vendredi 27 novembre :
Chers frères et sœurs,
Hier, grâce à la Parole du Christ, nous avons commencé à relever nos têtes ; ce matin, suite aux annonces gouvernementales, nous nous levons avec l’impression désagréable, passez l’expression familière, d’une « gueule de bois ».
Un peu d’humour ne fait pas de mal : le ciel et la terre et… les paroles des gouvernements passeront, le Paroles du Christ ne passeront pas.
Ne perdons pas l’encouragement de la Parole : Hier nous avons commencé à relever nos têtes, et aujourd’hui nous voyons de nos yeux ce qui advient : Le figuier perd en hiver toutes ses feuilles ; mais au début du printemps apparaissent les tendres bourgeons annonçant la venue de l’été. « Tel un fruit précoce sur un figuier, en la prime saison, j’ai vu vos pères » (Os 9,10).
Le figuier qui bourgeonne, annonce la proximité du Royaume de Dieu. Demain fleurit dès aujourd’hui ! Voilà la Bonne Nouvelle que Jésus nous partage en ce vendredi. Si nos vies sont identifiées à celle du Christ, c’est aussi ce qui nous ouvre à la confiance que la vie du Fils irrigue toute notre vie, jusque dans la création, de sa puissance de salut.
Le figuier fait partie des arbres bibliques par excellence, comme la vigne et l’olivier ; la vigne et le figuier sont des images pour désigner le peuple de Dieu (pour la vigne, voir Is 5) ; Dieu attend de son peuple qu’il porte du fruit. Ces arbres sont les signes de la paix messianique promise par Dieu à son peuple : « Chacun pourra s’asseoir sous sa vigne et son figuier, et personne pour l’inquiéter. La bouche du Seigneur de l’univers a parlé ! » (Mi 4,4).
C’est le figuier qui par ses amples feuilles va protéger la nudité des premiers êtres humains (Gn 3,7). Dans la tradition rabbinique, il est assimilé à l’arbre de vie du jardin d’Eden (Gn 2,9 : cf la représentation du chapiteau de Cluny). Sous le soleil zénithal, s’abriter à son ombrage est très reconstituant ; Nathanaël y trouvera refuge et méditation, quand Jésus le rencontrera (Jn 1,48) ; on dit qu’être assis sous le figuier symbolise la méditation de la Loi. Nathanaël est reconnu par le Christ comme le serviteur fidèle à l’amour de Dieu, en attente du Messie.
Sans oublier la parabole du figuier qui ne porte pas de fruit, (Lc 13,6-9) : Un figuier lent à porter du fruit, dont il faut continuer à prendre soin, pour qu’il puisse enfin fructifier ; quand Jésus maudit un figuier stérile, c’est comme une parabole en action :« Comme ils sortaient de Béthanie, Jésus eut faim » (Mc 11, 12). Ce figuier ne porte pas de fruit et, autre bizarrerie, Jésus lui reproche cela alors que ce n’est pas la saison des figues ! Le figuier symbolise le peuple de Dieu qui ne porte pas tous les fruits désirés ; Jésus recherche des justes, qui portent des fruits de justice…
Et nous en arrivons, après cet excursus botanique et biblique à la Bonne Nouvelle de l’Apocalypse, les visions de consolation.
Jean voit l’anéantissement des forces du Mal, le Dragon, la Bête, parce que le Christ est vainqueur. Tout converge vers le livre de vie et les Béatitudes. Le Christ est celui qui accomplit la prophétie de la paix messianique d’Isaïe « Je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit » (Is 65,17). La création est profondément transfigurée, il n’y a plus de mer (et donc plus de mal ni de mort). C’est la Jérusalem nouvelle, où Dieu réside au milieu de son peuple, cité du bonheur définitif.
« J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari » (Ap 21,4).
Chers frères et sœurs,
Un petit aparté sur la fin de l’année liturgique : vous savez que le dimanche du Christ-Roi marque le dernier dimanche de l’année liturgique ; les textes apocalyptiques clôturent ce temps pour nous préparer à la venue ultime du Seigneur ressuscité à la fin des temps. C’est pour cela que nous relisons, jusqu’à plus soif, ces textes souvent si obscurs. J’espère que ces éclairages des derniers jours auront contribué à redonner un peu de lumière et d’espérance en ces temps rudes qui sont les nôtres. La nouvelle année chrétienne va commencer dans quelques jours avec l’Avent, pour nous préparer à la venue du Christ en notre chair, donnant une autre lumière plus vive !
Jésus parle d’une catastrophe terrible, celle de la ruine de Jérusalem envahie par les armées, elle qui est la ville sainte où Dieu est présent en son Temple. Celle-ci sera accompagnée d’une grande détresse qui emplira la terre : dévastations, morts violentes, captivité… Pour Luc cette désolation de Jérusalem est comme l’« archétype », le reflet de nos histoires humaines ; et elle est liée à la mort violente de Jésus, d’où les phénomènes cosmiques qui l’accompagnent : les puissances des cieux ébranlées ; ce qui advient dans nos histoires a un retentissement jusque dans la nature, nous en prenons pleinement conscience depuis peu…
Mais toutes ces annonces ne sont pas pour effrayer, même si Jésus dit : « les hommes mourront de frayeur » ; la pointe, c’est-à-dire, le cœur ardent des paroles de Jésus, est ici : « Redressez-vous, relevez la tête, car votre délivrance approche » ; le dernier mot est à la venue du Fils de l’homme, au pardon, à l’espérance, à la Lumière du Ressuscité. La ruine de Jérusalem, qui aura lieu effectivement peu après, éclaire pour la suite des temps chacune de nos désolations. Nos histoires rejoignent celle du Christ rejeté et crucifié, mais aussi celle du Christ pardonnant et relevé d’entre les morts. Pour le croyant le salut de Dieu traverse toutes les frayeurs et détresses. Ce n’est pas rien de nous rappeler cela en ce moment !
La chute de Rome-Babylone dans le texte de Jean nous oriente vers la même action de grâce :
L’incarnation de Jésus, sa passion et sa résurrection, ont vaincu le Mal, la « Bête », qui n’est plus (Ap 17,8). La chute de Babylone est signe de la victoire de l’Agneau sur les forces du Mal. Lorsqu’un ange jette une grosse pierre dans la mer (qui est, je le rappelle, le symbole des forces du Mal), il signifie cette victoire du Christ.
S’élève alors du ciel une clameur immense qui célèbre l’action de Dieu et rend grâces au Seigneur. C’est la voix de toute l’humanité qui s’élève en communion avec celle de Dieu, impétueuse comme le « grondement des eaux » (verset 6).
Comme c’est dommage que le découpage liturgique nous ait enlevé une perle que je vous donne : « Les vingt-quatre Anciens et les quatre Vivants se prosternèrent et adorèrent Dieu qui siège sur le trône ; ils proclamaient : « Amen ! Alléluia ! ». Et du Trône sortit une voix qui disait : « Louez notre Dieu, vous tous qui le servez, vous tous qui le craignez, les petits et les grands. » Alors j’entendis comme la voix d’une foule immense, comme la voix des grandes eaux, ou celle de violents coups de tonnerre. Elle proclamait : « Alléluia ! Il règne, le Seigneur notre Dieu, le Souverain de l’univers. Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. » Car le lin, ce sont les actions justes des saints. Puis l’ange me dit : « Écris : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » Il ajouta : « Ce sont les paroles véritables de Dieu. » ». (Ap 19,4-9).
Les Noces sont proches, l’humanité est prête ; le banquet de l’Eucharistie nous prépare aux noces définitives avec l’Agneau : « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! ».
mercredi 25 novembre :
L’EGLISE, UN NAVIRE SUR LA MER
Avez-vous le pied marin ? Parce qu’aujourd’hui nous prenons la mer avec le Christ. Voilà une image qui nous parle en ces jours…
Jésus invite à la persévérance même par gros temps, peut-être est-ce le cas en ce moment : nous avons à vivre toutes les situations de notre vie, heureuses et malheureuses dans la fidélité à l’amour du Christ pour nous. Et c’est parfois une course de fond ! Avec la confiance, que quoiqu’il arrive, « pas un cheveu de notre tête ne sera perdu » (verset 18). Si « tous nos cheveux sont comptés » (Lc 12,7), c’est le signe que Dieu nous protège et nous garde.
Jésus évoque le temps des persécutions. Non pas pour nous effrayer, mais pour nous rassurer : rien ne peut arrêter la Parole de Dieu dans sa course ; le récit par Luc des Actes des Apôtres en est le gage. Même lorsque Paul et ses compagnons font naufrage à Malte, c’est encore relu comme un signe du salut offert à tous ; Paul reprend d’ailleurs à cette occasion la phrase de Jésus, « pas un cheveu de notre tête ne sera perdu » (Ac 27,34), pour exprimer l’accomplissement des Paroles du Christ dans la mission de l’Eglise ; les habitants de Malte leur « témoignent d’une humanité peu ordinaire » (Ac 28,2) : c’est le ressuscité qui conduit le navire de l’Eglise : le bateau est une parabole de l’Eglise, ballottée par les vagues, mais avançant toujours, même contre vents et marées, traversant toutes le tempêtes avec succès. Dans le livre des Actes des Apôtres nous voyons cette croissance permanente de la Parole, malgré tous les obstacles qu’elle rencontre.
En prison Paul fera l’expérience de cette force de la Parole que rien ne peut empêcher de poursuivre son œuvre de salut, puisque c’est Dieu qui la porte ; il est dans les chaînes, en prison, lorsqu’il dit cela : « C’est pour le Christ que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu !» (2 Tim 2,9).
Un peu plus loin dans l’Evangile de Luc, Jésus dit : « Le ciel et la terre passeront, mes Paroles ne passeront pas » (Lc 21,33). Voilà qui donne sens à tout ce que nous vivons. Même dans les impasses les plus tragiques, le salut n’est jamais mis en échec.
Jésus parle du témoignage (le martyre en grec) de la vie des disciples : « Par votre constance vous garderez votre vie » (verset 19). La persévérance des disciples dans la foi est signe de la patience de Dieu. Le chrétien est identifié à Jésus jusque dans les difficultés et persécutions éventuelles.
Dans l’Apocalypse, septième et dernière vision, et donc la plus importante : Jean voit une mer de cristal : la mer est symbole du Mal qui se déchaîne, dans la Bible. Le Mal est vaincu par le Christ, et la mer est devenue calme et limpide, sans tempêtes : les hommes qui ont vaincu la « Bête » sont debout sur la mer, participant à la victoire du Christ. Ils chantent le cantique nouveau, le cantique de l’Agneau (donc du Christ debout et victorieux) et ils célèbrent une liturgie ; il y a ici bien plus que le cantique de Moïse, celui du passage de la Mer Rouge : Christ est la Pâque définitive, il accomplit l’exode définitif. Le cantique (truffé de références bibliques) célèbre le Dieu qui ne cesse jamais d’agir dans l’histoire des hommes :
En parlant d’action de grâces, nous allons pouvoir reprendre le chemin des messes, mais dans des conditions extrêmement drastiques et difficiles (30 personnes maximum par messe). Prions pour que nous sachions comment gérer cette « quadrature du cercle » … Notre patience est rudement mise à l’épreuve une fois de plus.
« Grandes, merveilleuses, tes œuvres, Seigneur Dieu, Souverain de l’univers ! Ils sont justes, ils sont vrais, tes chemins, Roi des nations. Qui ne te craindrait, Seigneur ? À ton nom, qui ne rendrait gloire ? Oui, toi seul es saint ! Oui, toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi ; oui, ils sont manifestés, tes jugements. »
Soyons malgré tous les obstacles, dans l’action de grâce, Dieu est fidèle à sa promesse, même si le ciel et la terre passent, ses Paroles ne passeront pas.
mardi 24 novembre :
Chers frères et sœurs,
La coupe est pleine ! Double apocalypse en ce jour ! Ce n’est pas le Beaujolais nouveau qui se prépare avec la vendange de l’Apocalypse !
– Nous entendons la 5° vision de Jean : une nuée blanche, signe qui annonce la venue du Fils de l’homme. Celui-ci vient annoncer la moisson, c’est-à-dire le jugement du monde : il tient en main une faucille et porte une couronne d’or. Un ange sort du Temple où Dieu se tient et annonce que la moisson est mûre. Encore un autre ange annonce la vendange, parce que les raisins sont mûrs. Le raisin est jeté dans la « cuve immense de la fureur de Dieu » (verset 19) ; voilà de quoi effrayer si l’on ne comprend pas de quoi il s’agit. Ces sont les péchés humains qui sont vendangés ; les pécheurs restent en vie. La cuve est foulée hors de Jérusalem, rappelant la croix qui porte Jésus : celle-ci a été placée en dehors de la ville, signifiant l’infâmie du supplice de la croix. C’est le Christ qui porte les péchés du monde, lui qui « a été fait péché pour nous », comme dit Paul (2 Co 5,21) ; son sang répandu en témoigne.
Le sang du pardon du Christ est répandu sur 600 stades, chiffre symbolique (4 au carré, c’est la terre, multiplié par 100, c’est la totalité de la terre) ; la terre entière est sauvée par le sang du Christ. C’est le Christ qui est foulé dans la cuve. Mystère de l’amour totalement donné de Jésus. Le Moyen-Age a beaucoup représenté le « pressoir mystique »(cf cette représentation étrange de l’école allemande, où le Père actionne le pressoir, vision peu miséricordieuse de Dieu !) : le Christ est représenté dans un pressoir à raisins, d’où s’écoule le jus des raisins ainsi que son sang ; Parfois, la traverse du pressoir n’est autre que la croix pesant sur les épaules de Jésus; On peut se rappeler le récit de la Passion dans l’Evangile de Jean (Jn 19,1-5) : Pilate fait assoir Jésus sur un trône, et celui-ci est couronné d’épines, revêtu d’un manteau de pourpre, tâché du sang de la flagellation, en signe de dérision d’une « prétendue » royauté de Jésus. Le sang du Christ est pour nous la source du pardon et de la miséricorde de Dieu ; c’est donc une Bonne Nouvelle !
– Jésus achève son ministère public au Temple. Alors que tous admirent les « belles pierres », celui-ci en annonce la destruction prochaine : « Il n’en restera pas pierre sur pierre ». On imagine aisément la stupeur des auditeurs. Pour le peuple de Dieu ce serait la fin de tout. Il signifie ainsi que sa personne est le lieu même où Dieu se laisse rencontrer. Ensuite Jésus développe un « discours apocalyptique » auquel nous commençons à être habitués. Des catastrophes annoncées : guerres, fléaux de la nature, épidémies famines… A cela rien de nouveau ; nous vivons certaines de ces catastrophes en ce moment : entre la pandémie, les dérèglements climatiques, les attentats… Ce n’est pas pour autant l’annonce de la fin du monde. Comment comprendre ces événements qui nous déstabilisent ? Serait-ce la fatalité du Mal ?
Les discours apocalyptiques nous invitent à un acte de foi : Dieu n’abandonne pas les hommes, même si parfois les apparences sembleraient le faire croire ; à travers les événements de notre monde, Dieu trace un chemin de salut qui nous conduit à lui. L’amour vainqueur du Christ agit déjà en ce monde tourmenté.
Ce n’est donc pas la peur et encore moins la terreur qui doivent nous habiter, mais la confiance, parce que l’amour de Dieu sauve ce monde.
lundi 23 novembre :
Chers frères et sœurs,
Dans l’Apocalypse comme dans l’Evangile, il s’agit de vision intérieure ; Jésus et à sa suite Jean voient toute réalité humaine et divine de l’intérieur :
- Jésus voit le cœur de cette pauvre veuve :
Dans le Temple devenu lieu de commerce, genre de centre commercial religieux lucratif, le geste humble et caché de cette femme ne lui échappe pas ; il voit la gratuité discrète au milieu de ce monde des affaires bruyant, et qui risque de ne faire remarquer que les riches faisant des dons ostentatoires.
Les veuves font partie de ces petits que le peuple de Dieu est invité à protéger : une veuve n’a plus de mari pour la faire vivre matériellement. Dieu porte le souci des plus pauvres, de l’immigré, de la veuve et l’orphelin, ces petits de la Bible qui n’ont pour défenseurs que Dieu. Les veuves sont l’objet de mépris parce qu’elles sont privées de la protection d’un homme, privées de ressources propres et sans assistance.
Au milieu de cette foule Jésus, avec son regard aiguisé, repère immédiatement la personne qui est habitée par l’amour : derrière ce pauvre geste, le Christ discerne le cœur d’or qui donne tout ce qu’il a pour vivre (Lc 21,4). Son geste est profondément généreux, bien loin de ceux qui fanfaronnent et donnent pour se mettre en valeur, et sans risque ! C’est parce qu’il est le Fils de Dieu qu’il voit le cœur de chacun dans la lumière divine : « Jésus sait ce qu’il y a dans le cœur de l’homme » (Jn 2,25). Et cette pauvre de Dieu vit un don total, sans retour sur elle-même, que seul le cœur pur de Jésus peut deviner. Pour le service de la louange de Dieu dans le Temple, cette femme donne tout ce qu’elle a. Elle connaît de l’intérieur le prix de l’authentique remise de soi à Dieu. Cette femme est comme une image resplendissante du don total de Jésus qui donne sa vie pour nous, sans retour sur lui-même.
- Jean voit le Christ, l’Agneau debout :
Jean l’Evangéliste est un « voyant », un « contemplatif », comme le furent les prophètes : ainsi Samuel le « voyant » (1 S 9,19). Le prophète « écoute la vision », parce qu’il est habité de l’Esprit de Dieu, il est capable de pénétrer dans le monde inaccessible à l’homme, le monde de Dieu : ainsi la fameuse échelle de Jacob entrevue dans un songe qui monte jusqu’au ciel (Gn 18,16).
Ces visions intérieures sont de l’ordre de la foi ; ainsi lorsque Jérémie eut la vision de la branche d’amandier (appelé le « veilleur » en hébreu parce qu’il est le premier à fleurir), il atteste dans la foi que « Dieu veille sur sa Parole pour l’accomplir » (Jr 1,11-12).
Jean voit donc dans la foi le Christ victorieux, l’Agneau debout, sur le mont Sion, là où le Messie devait venir ; parce que c’est lui qui apporte le salut à Jérusalem.
Jean voit un rassemblement, les cent quarante-quatre mille rassemblés autour de l’Agneau, eux qui portent « inscrits sur leur front, le nom de l’Agneau et celui de son Père » (Ap 14,1). Ceux-ci entament un « cantique nouveau », puissant comme la voix de Dieu lui-même, « une voix venant du ciel, comme la voix des grandes eaux ou celle d’un fort coup de tonnerre ».
Ces foules innombrables (Les cent quarante-quatre mille, chiffre évidemment symbolique : 12 x 12, chiffre de totalité au carré x 1000, la multitude infinie…) sont les baptisés dans le sang de l’Agneau qui « suivent l’agneau partout où il va » (Ap 14,4). C’est le chant de tous les croyants, eux qui sont les Agneaux à la suite de l’Agneau, pleinement identifiés au Christ.
Que la foi nous donne de voir toute chose et toute personne de l’intérieur, habités par la lumière divine !
dimanche 22 novembre :
Chers frères et sœurs,
En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous contemplons le Christ-Roi dans une parabole solennelle, dite du jugement dernier. Evidemment les représentations de la tradition artistique catholique (comme ce superbe tableau de Memling) ont contribué à « fausser » en partie notre conception du jugement dernier. Il ne s’agit pas d’une pesée des âmes, mais du poids de l’amour donné tout au long de notre vie.
« Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » (Jean de la Croix) : la parabole nous parle d’un royaume qui se fait très concret, lorsque nous aimons, lorsque nous pardonnons, lorsque nous faisons la paix, lorsque nous prenons soin des plus petits, des malades, lorsque nous nous faisons proches des prisonniers, lorsque nous donnons à manger aux affamés, lorsque nous accueillons tout homme comme s’il était le Christ, alors le royaume de Dieu grandit.
Le pape François a médité, lors de la journée des pauvres, sur la grandeur de nos actes, mêmes les plus humbles ; le Christ nous invite à tendre la main vers nos frères les plus petits auquel il s’est identifié : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir… Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 34-40).
Voilà ce que dit notre pape : « Tendre la main est un signe : un signe qui rappelle immédiatement la proximité, la solidarité, l’amour. En ces mois où le monde entier a été submergé par un virus qui a apporté douleur et mort, détresse et égarement, combien de mains tendues nous avons pu voir ! La main tendue du médecin qui se soucie de chaque patient en essayant de trouver le bon remède. La main tendue de l’infirmière et de l’infirmier qui, bien au-delà de leurs horaires de travail, sont restés pour soigner les malades. La main tendue de ceux qui travaillent dans l’administration et procurent les moyens de sauver le plus de vies possible. La main tendue du pharmacien exposé à tant de demandes dans un contact risqué avec les gens. La main tendue du prêtre qui bénit avec le déchirement au cœur. La main tendue du bénévole qui secourt ceux qui vivent dans la rue et qui, en plus de ne pas avoir un toit, n’ont rien à manger. La main tendue des hommes et des femmes qui travaillent pour offrir des services essentiels et la sécurité. Et combien d’autres mains tendues que nous pourrions décrire jusqu’à en composer une litanie des œuvres de bien. Toutes ces mains ont défié la contagion et la peur pour apporter soutien et consolation ».
Dans l’autre, quel qu’il soit, même le plus défiguré, même s’il est notre ennemi, c’est le Christ qui vient à notre rencontre. Toute rencontre humaine a donc, ou devrait avoir, une dimension mystique. « Pour nous la source de dignité humaine et de fraternité se trouve dans l’Évangile de Jésus-Christ. C’est de là que surgit pour la pensée chrétienne et pour l’action de l’Église le primat donné à la relation, à la rencontre avec le mystère sacré de l’autre, à la communion universelle avec l’humanité tout entière comme vocation de tous » (Tous frères, 277).
Le Christ qui est Roi n’a pas renié ses frères les plus faibles, bien au contraire, il s’identifie à eux. Il est ce petit, pauvre, humble, affamé dans le désert, assoiffé de l’amour, prisonnier des grands de ce monde, nu sur la croix…
Que le Christ nous donne de le rencontrer et de le reconnaître en nos frères !
samedi 21 novembre :
Chers frères et sœurs,
Jean médite sur le temps de l’Eglise ouverte aux païens qui annonce l’Evangile au monde (Ap 11,4-12).
Les deux témoins-martyrs ont fait couler beaucoup d’encre pour tenter de les identifier. Une façon de lire ce texte est d’y voir Pierre et Paul. Pierre qui a démarré la mission de l’Eglise auprès des païens (Ac 10) et Paul qui fut l’apôtre des nations, et qui n’a pas cessé d’annoncer l’Evangile avec passion.
Les deux oliviers et les deux flambeaux évoquent sans doute le peuple saint et le Temple. Ces deux témoins sont investis des pouvoirs de Moïse et d’Elie ; mais c’est la puissance et l’énergie du Christ ressuscité qui agit en eux ; si Elie a eu le pouvoir de « fermer le ciel » (1 R 17,1), et d’empêcher la pluie, si Moïse a pu changer l’eau en sang (Ex 7,17), combien plus Pierre et Paul ont reçu puissance, parce qu’ils suivent le Christ sur le chemin de la croix. Pierre et Paul sont morts martyrs à Rome quand Jean écrit cela (respectivement en 66 et 70). Ils ont prêché la conversion (ils sont revêtus de sac, signe d’appel à la conversion) dans la grande cité (Rome), où ils vont donner leur vie en témoignage au Christ. Babylone-Rome est dans le livre de l’Apocalypse symbolique, elle est comme le cœur du monde encore soumis au Mal, là où le Seigneur a été crucifié par le pouvoir de ce monde. Les corps de ces témoins resteront exposés, en signe d’infâmie.
N’oublions pas que lorsque Jean écrit cette lettre, l’Eglise est en proie à la persécution de Néron puis de Domitien. La croix du martyre est le lot quotidien ; sous Néron nombre de chrétiens sont eux-mêmes crucifiés (la tradition dit que Pierre a été crucifié la tête en bas). L’Eglise est missionnaire à la suite de Pierre et de Paul qui constituent l’Eglise du Ciel.
Jean proclame la foi en la résurrection : Pierre et Paul qui ont été témoins de l’Evangile de la vie sont vivants auprès du Seigneur (verset 12) ; un souffle de vie les remet sur pied, le souffle du ressuscité, ce souffle qui avait donné vie aux ossements desséchés du prophète Ezéchiel (Ez 37,1-10). Identifiés au Christ dans leur mort, ils connaissent comme lui une « ascension »
Oui, comme le rappelle Jésus dans l’Evangile, « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. » (Lc 20, 27-40).
Nous avons du mal à voir la vie éternelle autrement que comme un prolongement de ce que nous vivons aujourd’hui ; la question des sadducéens vient de là : si la résurrection est dans la continuité de la vie terrestre, quelle place pour les sept maris successifs dans la vie d’une épouse ? Humains trop humains, les saducéens ne croient ni à la résurrection ni aux anges et ils essayent de coincer Jésus avec une question un peu saugrenue…
Jésus comme toujours ouvre un autre chemin et élève le débat : les réalités humaines disparaîtront et la vie se perpétuera d’une autre façon dans la vie éternelle ; l’éternité n’est pas la reproduction du temps humain à l’identique. On n’y a plus le même corps, ni la même vie ; on y est « comme des anges », c’est-à-dire dans la louange et dans la communion parfaite et permanente avec Dieu et entre nous.
La vie avec Dieu ne vient pas contredire notre vie actuelle, en particulier l’amour conjugal vécu en cette vie : Dieu ne séparera pas ce qu’il a uni en ce monde. Il y a bien continuité entre la vie présente et la vie avec Dieu. Mais bien au-delà de ce que nous pouvons entrevoir dans la foi. Nous serons alors des vivants en communion profonde avec ceux qui nous ont précédés, sans les limites que nous connaissons aujourd’hui dans nos vies, sans les larmes.
Si l’humoriste dit « l’éternité c’est long, surtout vers la fin » (Woody Allen), il ne faut pas pour autant penser la vie éternelle en termes de durée, mais en intensité d’une vie vécue en communion d’amour avec Dieu et avec tous, un peu à l’image de ces rares instants de bonheur qui ponctuent notre vie et que nous voudrions voir durer.
Puisque Dieu est mon Dieu je suis un vivant promis à la vie pour toujours avec mes compagnons de route de ce monde. Voilà la Bonne Nouvelle qui traverse toutes les tempêtes de nos vies.
vendredi 20 novembre :
Chers frères et sœurs,
Un ange passe… mais pas n’importe comment ! Cet ange est particulièrement impressionnant, enveloppé de cette nuée qui cache le Fils de l’homme ; il est nimbé d’un arc-en-ciel signe de l’Alliance avec Noé ; et son visage est resplendissant comme celui du Christ transfiguré (Mt 17,2). Ses jambes sont de feu, signes de puissance, comme le feu que le Christ vient jeter sur la terre (Lc 12,49). Il est comme un lion rugissant (cf le prophète Osée qui parle ainsi de Dieu : « Le Seigneur ; comme un lion rugira » Os 11,10) ; le Christ est désigné comme le « Lion de la tribu de Juda » (Ap 5,5).
Cet ange redoutablement « armé » tient en main un « bien » infiniment précieux ; c’est ce qui explique le contexte très solennel, quasi-liturgique de son apparition, plus solennelle que l’entrée du diacre dans notre eucharistie, lorsqu’il entre en procession en tenant devant lui l’Evangéliaire. Il avance avec « un petit livre ouvert » ; tiens, tiens un indice précieux nous est donné par le visionnaire : ce livre est ouvert, alors qu’au début il était clos (cf Ap 5,1-4 : méditation d’hier). C’est le Lion de Judas, le Christ, qui en proclamant l’Evangile l’a ouvert définitivement pour nous. Après un cri angélique mais fort impressionnant « les sept tonnerres firent retentir leur voix ». Les sept tonnerres, c’est la voix de Dieu qui atteste l’authenticité et la plénitude qu’a apporté le Christ par sa Parole de feu.
On peut aussi repenser à ce passage en Jean, à l’heure où le Père glorifie le Fils par avance : « Du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. ». En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé » » (Jn 12,28-29).
Si le Christ a tout transmis de l’amour du Père par sa Parole, il reste un mystère profond qui fait taire Jean le visionnaire. Nous ne saurons pas ce que disait le tonnerre ! L’Evangile devrait nous suffire dans sa polyphonie des quatre Evangélistes : nous entendons aujourd’hui la version lucanienne des marchands du Temple après avoir entendu celle de Jean, lundi 9 novembre. Le mystère nous sera pleinement connu au son de la 7° trompette, mais ce n’est pas encore pour tout de suite !
Jean entend l’ange lui ordonner de prendre « le petit livre ouvert ». Comme l’avait fait l’Agneau (« Il s’avança et prit le Livre dans la main droite de celui qui siégeait sur le Trône », Ap 5,7) ; le Christ l’avait fait de lui-même, Jean, lui, attend qu’on le lui ordonne ; il le prend en ses mains, lui qui a reposé sur le cœur du Christ (Jn 13,25). Jean est comme le prophète Ezéchiel (Ez 2,8-3,3) à qui le Seigneur a donné le rouleau à manger.
Cette Parole de Dieu est d’abord « douce comme le miel » (Ps 118,103 : « Qu’elle est douce à mon palais ta promesse : le miel a moins de saveur dans ma bouche ! »), comme toute Parole venant de Dieu ; mais elle est aussi amère, parce que la Parole vécue est conversion, elle est risque de persécutions… A Jean est demandé ensuite de porter cette Parole à tous les peuples. Il est envoyé en mission pour annoncer le Christ.
Les Pères de l’Eglise reprendront cette image de la Parole à manger en parlant de « rumination » : « manger la Parole », goûter sa saveur, s’en nourrir, la porter en notre cœur nous permet d’assimiler l’amour de Dieu et de le faire nôtre : « Goûtez et voyez : le Seigneur est bon » (Ps 33,9).
Bonne rumination de la Parole !
jeudi 19 novembre :
DES LARMES DU CHRIST AUX LARMES DE JEAN L’EVANGELISTE :
- « Je pleurais beaucoup, parce que personne n’avait été trouvé digne d’ouvrir le Livre et de regarder » (Ap 5,4).
Dieu tient en main un livre en forme de rouleau. Les larmes de Jean viennent de ce que « nul n’est capable d’ouvrir ce livre » ; Le Christ seul peut consoler ces larmes. Ce livre entre les mains de Dieu, c’est le premier Testament. Seul le Christ peut ouvrir ce livre et donner de le comprendre ; il dévoile toute la portée de l’histoire sainte.
Le Christ est décrit comme « l’Agneau immolé », au centre de l’histoire du salut. Et nous retrouvons la place de la liturgie dans le livre de l’Apocalypse : le chant de l’Agneau de Dieu nous dit quelque chose !
Et derrière cette image, il y a toute l’histoire sainte qui défile, en filigrane : c’est l’agneau immolé de la première Pâque (Ex 12,5-6) dont le sang préserve le peuple de Dieu, c’est aussi le Serviteur de Dieu qui est comme l’Agneau que l’on mène à l’abattoir (Is 53,7) ; oui, le Christ est bien celui qui donne sens aux Ecritures ! Christ est notre Pâque, celui qui nous sauve. Cet agneau a 7 cornes, signe de force, 7 yeux, signes de la pleine connaissance, les 7 esprits signe de l’Esprit qui repose en plénitude sur lui. Il est plénitude de plénitude (Cf Jn 1,16).
Et commence alors la grande liturgie de louange des anges et de tout le peuple de Dieu, par « myriades de myriades », avec force parfum (rappel de l’encens du Temple) en des coupes qui rappellent les « prières des saints » ; « ils se prosternèrent pour adorer » (Ap 5,14). - « Jésus fut près de Jérusalem, voyant la ville, il pleura sur elle, en disant : « Ah ! Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix !… Tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait. » (Lc 19,41-44) :
Elles sont rares et d’autant plus précieuses les larmes de Jésus ! Elles sont évoquées par trois fois : « Pendant les jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect » (He5,7) : ce sont les larmes d’agonie de Gethsémani (Lc 22,44) : « Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre ».
Bien sûr quand on parle des larmes de Jésus on pense à celles qu’il a versées face à la tristesse de ses amis de Béthanie. Nous voyons Jésus profondément ému, lorsque Marie vient lui annoncer la mort de son ami Lazare. Jésus est bouleversé (« il frémit et se trouble, puis pleure », Jn 11,33-35), et ses larmes manifestent qu’il est vraiment homme, affecté par la mort d’un proche et par la peine de ses amies.
Mais aussi ces larmes manifestent la miséricorde de Jésus reflet fidèle de la miséricorde de son Père : Dieu ne se résigne pas au péché, au Mal et à la mort de l’homme ; ces larmes en sont le signe. Jésus, Dieu fait homme, a épousé nos larmes. Il est grand et beau de voir celui qui est Seigneur de la vie s’émouvoir devant les souffrances humaines : Jésus ne cesse d’être à nos côtés dans nos détresses humaines. Ne l’oublions pas ; il est important que cela reste gravé dans nos cœurs comme une certitude, lorsque nous sommes dans la tourmente. Aucun homme n’aurait osé imaginer ces larmes de Jésus. Ici apparaît la vérité de l’humanité de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, qui souffre des souffrances de ses frères humains.
Enfin, dans l’Evangile de ce jour, Jésus pleure sur Jérusalem (Lc 19,41) : ses larmes viennent de sa tristesse devant le refus des siens de l’accueillir dans la foi. Immense tristesse sans doute ! Ce sont les larmes de tendresse comme celle de parents sur leur enfant qui prend un chemin de mort ; « Tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait ». On comprend la tristesse profonde du Christ qui sait que son amour n’est pas reçu. Il est bon en ces temps qui sont les nôtres de savoir que Jésus partage les larmes humaines de nos épreuves.
mercredi 18 novembre :
Chers frères et sœurs,
Nous apprécierons les différences et ressemblances entre la parabole des Talents chez Matthieu ce dimanche et la parabole des Mines, version lucanienne, qui du coup parait presque moins nerveuse…
Ici il s’agit d’un « homme de qualité » qui va recevoir la couronne contre le gré de ses sujets ; est-ce une référence historique ? On ne sait. On y voit aussi une allusion voilée à la Passion de Jésus ; Luc place le texte dans le contexte de la montée de Jésus vers Jérusalem et donc vers la Passion ; il ne s’agit pas comme récompense de la joie messianique, mais du gouvernement sur des villes.
Dans le chapitre 4 de l’Apocalypse, nous assistons à une liturgie : la proclamation des merveilles de la création devant celui qui siège sur le trône. Jean a une vision, une porte ouverte sur le monde de Dieu, le Seigneur de l’univers qui trône. Jean reprend la disposition du « saint des saints » dans le Temple de Jérusalem, là où brûlent les 7 lampes devant l’Arche d’Alliance, couverte des chérubins. Les pierres précieuses parlent de l’indicible des merveilles divines. Jean est devant ce qui ne peut pas être décrit, devant la Lumière qui symbolise l’Esprit-Saint qui permet de connaître Dieu. Les 24 vieillards manifestent l’unité des deux Alliances : les douze fils de Jacob, les Patriarches et les douze apôtres ; ils sont en vêtement blancs, ce qui représente aussi le Peuple de Dieu qui rend grâces à Dieu ; ils sont marqués par le baptême, sauvés par le Christ, même par anticipation pour les patriarches. C’est le Dieu créateur qui est célébré, ce qui expliques les allusions au ciel ouvert, à l’arc-en-ciel, rappel de l’Alliance avec Noé, à la lumière, à la mer, aux « quatre vivants ».
Les « quatre vivants » ailés (reprenant les prophéties d’Ezéchiel : Ez 1, 5-10) qui ont un visage d’aigle, de taureau, de lion et d’homme, correspondent aux quatre points cardinaux et représentent la totalité de la Création ; ils deviendront à la suite d’Irénée de Lyon le symbole des quatre évangélistes. La louange que ces quatre vivants adressent au Seigneur est donc la louange de toute la Création ; c’est le chant du Sanctus que nous retrouvons dans notre liturgie de la messe. Les 24 vieillards se prosternent devant le Dieu créateur.
La liturgie est au cœur du livre de l’Apocalypse ; au point que certains lisent ce texte avec le filtre de l’Eucharistie (y compris chez les protestants : voir Scott Hahn, Le festin de l’Agneau). Ainsi le Sanctus qui ponctue chaque messe, est l’acclamation après la préface de l’Eucharistie : c’est le chant des anges et des saints au Dieu trois fois saint : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur Dieu, le Souverain de l’univers, Celui qui était, qui est et qui vient ». Le début du Sanctus, qui se retrouve aussi dans la prière juive du matin, est dans le récit de la vocation du prophète Isaïe (Is 6,1-3). Il s’agit également d’une vision du prophète qui contemple Dieu dans son sanctuaire céleste, pendant que les anges chantent cette acclamation. La deuxième partie du Sanctus rappelle l’acclamation du Christ aux Rameaux lors de son entrée à Jérusalem (Mt 21,9 : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! »). L’origine de ces paroles se trouve dans le psaume 117 (v. 26), qui décrit l’accueil du Messie lors de son avènement. Hosanna, signifie « sauve donc ! », c’est une acclamation de joie et de victoire. Puissions-nous bientôt reprendre notre louange commune dans l’eucharistie célébrée dans la joie !
mardi 17 novembre :
Chers frères et sœurs,
La Bonne Nouvelle du jour est que le Christ vient rejoindre et prendre soin de nos maladies spirituelles, nos maladies sociales.
L’Eglise de Sardes est en état pitoyable, de quasi-mort clinique… Celle de Laodicée ne vaut guère mieux, elle qui est malade d’aveuglement. Zachée lui est en état de quasi-mort sociale…
L’Eglise de Sardes est mourante parce que sa vie chrétienne n’est pas active. Une communauté peut sembler vivante mais en réalité spirituellement être une « belle endormie », ce que Paul désignera comme « des apparences de piété » (2 Tim 3,5), ou Jacques qui dit que la « foi sans les œuvres est morte » (Jc 2,17). Cette Eglise est invitée à revenir à la source vive de la Parole de Dieu pour pouvoir revêtir de nouveau le vêtement baptismal de la vie dans le Christ. Christ peut réveiller notre foi, si elle est une « belle endormie ».
La dernière des sept Eglises, celle de Laodicée, est « pauvre, aveugle et nue ». Elle se croit riche, mais elle est malade d’un aveuglement intérieur ; elle n’est « ni chaude, ni froide », bref c’est une « eau tiède » (on connaît la réputation de celui qui n’a pas inventé l’eau tiède). Mais le Christ vient réchauffer notre foi ; il « frappe à la porte » de notre cœur : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Ap 3,20), le Christ vient à nous dans la Parole et l’Eucharistie pour nous guérir de nos tiédeurs.
Zachée vit le paradoxe d’une richesse qui l’isole totalement ; il connaît le degré zéro de l’intégration. A cause de son métier qui ne lui vaut que mépris, lui le chef des publicains (collaborateur de l’empire romain honni, lui qui collecte les impôts) ; trop riche, il est soupçonné de malhonnêteté : il devait passer pour un « sale type » ; bref il est infréquentable et sans doute très solitaire.
Zachée a un vif désir de voir Jésus et plus que cela sans doute. Au risque de se rendre ridicule, retrouvant une âme d’enfant, et c’est peut-être cela qui touche Jésus, il monte dans un arbre. Jésus lève les yeux vers lui, il pose son regard sur lui, leurs regards se rencontrent.
Appelé par son nom, Zachée est retourné ; enfin quelqu’un qui le respecte, qui le regarde et qui lui parle : « Zachée descends vite ; aujourd’hui je veux demeurer chez toi ». C’est comme si Jésus lui disait : « Toi qui es méprisé de tous, toi que tout le monde fuit, tu es aimé de Dieu » , parole bouleversante qui va changer le cœur de Zachée.
Bouleversé par le regard d’amour que Jésus pose sur lui et par la bonté de Jésus, Zachée est rendu à sa dignité d’humain respecté et il lui offre un cœur renouvelé et aimant ; l’amour du Christ le fait changer de vie : il se tourne vers les autres et apprend à les respecter…
Même si comme Zachée, nous ne nous sentons pas à la hauteur, Jésus pose son regard sur nous. Jésus quel que soit notre sentiment d’indignité ou notre péché, ou le regard des autres sur nous, veut nous faire prendre conscience de son amour inconditionnel pour nous : nous serons toujours quoi qu’il arrive, les enfants aimés de Dieu, qui ne se lasse jamais de nous. Dieu nous aime comme nous sommes, c’est la première Bonne Nouvelle de cet Evangile.
Regardons le Christ poser un regard d’amour sur chacun de nous, pour qu’il vienne guérir nos blessures intérieures ou sociales, ou nos tiédeurs.
lundi 16 novembre :
Nous commençons aujourd’hui, en cette fin d’année liturgique, la lecture d’un texte qui fait souvent reculer… L’ Apocalypse, un mot qui fait peur ! Est-ce à cause des références culturelles (L’iconographie chrétienne souvent impressionnante, comme la tapisserie d’Angers, le film sur la guerre du Vietnam, Apocalypse Now…) ? Est-ce à cause du caractère difficile du texte biblique ? Les deux sans doute. Le mot en est venu à désigner soit les catastrophes qu’évoque le genre littéraire biblique, soit le côté effrayant des événements.
Nous avons juste oublié que l’Apocalypse est une Bonne Nouvelle ! Ai-je l’air de plaisanter ? Non, bien sûr ! La lecture d’événements extraordinaires (cataclysmes, fléaux, calamités, guerres, virus…) ne doit jamais cacher l’essentiel de la foi : la « révélation » de l’amour du Seigneur ressuscité : voilà le sens du mot grec Apo-calypse , qui lève un voile sur le mystère : ce texte est dévoilement du salut vers lequel nous cheminons, au milieu des troubles parfois effrayants de notre monde (il n’est pas besoin de les détailler, nous les voyons parfois très concrètement et un peu trop souvent dans les médias qui en font leur « fonds de commerce » !) : le texte de Jean est « révélation de Jésus-Christ », ce sont les premiers mots de ce texte qui donnent le sens de tout le texte. Pas de quoi faire peur. Bien au contraire. Cet écrit a été rédigé en des temps encore plus troublés que les nôtres (persécutions contre les chrétiens), pour rassurer les communautés : Dieu reste fidèle à sa Parole, et le Salut est à l’œuvre en notre monde en dépit des apparences.
Voilà la Bonne Nouvelle de l’Apocalypse : le salut est sûr, il nous est donné par le Christ, dans sa Pâque. L’ Apocalypse doit nous donner l’assurance et donc « la grâce et la paix » (verset 4), parce que l’amour du Christ est déjà vainqueur des vissicitudes de notre monde et de notre histoire ; et même si les monde continue à gémir, il est certain de la victoire du Christ sur le Mal ! Voici la grâce de la révélation de l’Apocalypse : le Christ nous aime, chemine avec nous dans l’aujourd’hui de notre histoire. Ce texte peut nous redonner confiance en ces temps difficiles qui sont les nôtres.
Le Christ vainqueur du Mal et de la souffrance, nous le voyons en acte dans l’Evangile de ce jour : la guérison de l’aveugle mendiant de Jéricho, cet homme exclu, marginalisé que Jésus remet debout en lui rendant non seulement la vue mais la dignité d’enfant de Dieu fait pour la louange.
Jean adresse cette lettre aux sept Eglises, chiffre évidemment symbolique.
A l’Eglise d’Ephèse, il est reproché d’avoir perdu « son premier amour », sa ferveur initiale ; comme parfois notre foi qui s’use et tend à devenir une habitude… Nous sommes invités par Jean à revenir à la source de notre amour, le Christ. Toute Eglise doit reposer sur l’amour (Agapè) du Christ.
Demandons à retrouver la ferveur de notre premier amour pour le Christ ; si notre foi est venue à s’émousser, que le Seigneur souffle sur ces braises avec le feu de son Esprit !
dimanche 15 novembre :
QUEL TALENT !
C’est ainsi que l’on s’exprime parfois pour dire son enthousiasme vis-à-vis d’une personne dont nous admirons l’action. Ce mot évangélique, le « talent », désigne d’abord une unité de monnaie très forte (l’équivalent de 26 kg d’argent !) et il est passé dans le langage courant, pour désigner une aptitude, une compétence, ou un don inné ou acquis, qui parfois aurait à voir avec le génie…
La parabole de Jésus creuse plus profond que cette sagesse populaire.
La parabole des talents vient utilement nous rappeler que nous sommes dépositaires de ce que Dieu nous confie. Ce qui nous est confié par le Seigneur, nous est confié, non pas pour nous, mais pour les autres et pour Dieu. En retour, à ceux qui ont porté du fruit, Dieu leur donne une fécondité incalculable.
« Tous les biens que nous avons reçus, c’est pour les donner aux autres, et qu’ainsi ils fructifient. C’est comme s’il nous disait : « Voici ma miséricorde, ma tendresse, mon pardon : prends-les, et fais-en un large usage » » (Pape François Angélus 16/11/14).
Deux attitudes antagonistes marquent la parabole : la peur ou la confiance ; la peur qui paralyse, la confiance qui porte du fruit à l’infini, par la fécondité de l’amour.
Les deux premiers serviteurs ont osé tout risquer, sans calcul, sans hésitation. Ils ont reconnu le don qui leur a été fait et ont fait valoir ce don. Ce qui est reproché au troisième serviteur c’est d’enfouir son talent : laisser un talent en jachère, c’est le laisser mourir. « Jésus ne nous demande pas de conserver sa grâce dans un coffre-fort ! » (Pape François). Ce serviteur est marqué par la peur de se risquer, il manque d’audace, de confiance, alors que le Seigneur lui avait marqué sa confiance en lui donnant un talent (ce qui n’est pas rien puisque cela correspond au salaire de 20 ans de travail !), ce serviteur vit dans la peur de son maître, il est jaloux de son maître et de la réussite des autres. Il n’a pas compris le don qui lui a été fait ; il rend stérile ce don qui lui a été fait. Il voit son maître comme un homme dur. La peur de Dieu est toujours quelque chose que la Bible dénonce : à la confiance que Dieu met en chacun de nous, doit répondre la confiance que nous mettons en lui, et dans les dons qu’il nous fait. Nous ne devons pas soupçonner Dieu. Le soupçon et la jalousie sont toujours mortels pour l’amour.
La confiance nous dit Jésus est source de joie : « Serviteur bon et fidèle, sur peu de choses tu as été fidèle, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur ». Joie de partager la fécondité de Dieu. Joie de la confiance reçue et donnée (c’est aussi la joie la plus profonde de l’amour humain). Nous sommes invités à « être fidèles dans les petites choses » ; comme le dit Thérèse de Lisieux, il ne s’agit pas de « faire des choses extraordinaires, mais de faire extraordinairement bien les petites choses de notre vie ». Et en fait rien n’est trop petit pour Dieu. Rien n’est sans valeur dans ce que nous faisons, même les tâches les plus humbles.
Entrons dans la joie du Seigneur qui nous confie son amour !
samedi 14 novembre :
Chers frères et sœurs,
De façon un peu provocante, on pourrait résumer ainsi la parabole de Jésus : Si Dieu agit comme le juge, nous avons à faire comme la veuve ! On sait bien que L’amour de Dieu dépasse infiniment ce juge qui agit pour se débarrasser d’une importune !
On imagine presque une scène de western auquel nous assistons dans cette parabole : face à face entre un juge qui est « une canaille » et une veuve exaspérante qui fait une demande peut-être injustifiée. Les veuves, comme les orphelins et les étrangers, devaient être protégés dans la foi du peuple de Dieu. Parce qu’ils sont seuls et sans défense. A force d’être « casse-pieds », cette femme sera exaucée par ce juge sans foi et sans scrupules.
Jésus nous rappelle par cette parabole que la prière est l’expression d’un désir plein de confiance mais aussi sans complexe. Belle définition de la prière !
« Dieu prend son temps » (verset 7, la traduction liturgique dit : « les fait-il attendre ?»). Ainsi nous avons souvent l’impression que nos demandes dans la prière ne sont pas exaucées. Persévérer dans la prière est parfois dur. Et forte la tentation d’abandonner lorsque notre prière semble n’avoir pour toute réponse qu’un silence abyssal…
Nous devons accepter le mystère de la liberté divine face à nos demandes : le temps passe et parfois nos prières n’apportent pas les résultats désirés…. Jésus veut nous faire comprendre qu’il faut « prier sans cesse et ne pas se décourager » (verset 1).
Nous oublions parfois que la prière agit à long terme, souvent à notre insu. Dieu n’est donc pas comme ce juge inique : il n’a jamais peur qu’on lui casse la tête (ou les pieds !). Nous pouvons donc crier vers lui sans ménagement.
Si Dieu exauce, « cela ne signifie pas qu’il le fasse selon les temps et les modes que nous souhaiterions. La prière n’est pas une baguette magique ! » (Pape François, Audience 25/5/16) ; dans cette magnifique méditation sur ce texte d’Evangile, le pape met en avant l’exemple de la prière de Jésus lors de sa passion, à Gethsémani ; cela me semble très éclairant ; plutôt que de le paraphraser, je le cite : la prière, dit-il « aide à conserver la foi en Dieu, à nous en remettre à Lui également quand nous n’en comprenons pas la volonté. En cela, Jésus lui-même — qui priait tant ! — est un exemple pour nous : la Lettre aux Hébreux nous rappelle qu’« aux jours de sa chair, il présenta, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, et fut exaucé en raison de sa piété » (5, 7). À première vue, cette information semble invraisemblable, car Jésus est mort sur la Croix… Assailli par une angoisse pressante, Jésus prie le Père pour qu’il le libère de la coupe amère de la Passion, mais sa prière est remplie de sa confiance dans le Père et il s’en remet sans réserve à sa volonté : « Cependant — dit Jésus — non pas comme je veux, mais comme tu veux » (Mt 26, 39). L’objet de la prière passe au deuxième plan ; ce qui importe tout d’abord est la relation avec le Père. Voilà ce que fait la prière : elle transforme le désir et le façonne selon la volonté de Dieu, quelle qu’elle soit, car celui qui prie aspire tout d’abord à l’union avec Dieu, qui est Amour miséricordieux ».
Notre prière « transforme notre désir et le façonne selon la volonté de Dieu ».
La prière est donc affaire de confiance : la foi n’est pas une chose que l’on possède ou que l’on peut perdre ; c’est une relation de confiance. Jésus a soif que nous entrions dans cette relation de confiance sans faille ; la prière en est une des expressions : « Le Fils de l’homme trouvera-t-il la foi sur la terre ? ». Demandons à ce qu’il trouve la confiance dans notre cœur !
vendredi 13 novembre :
Chers frères et sœurs,
« L’un sera laissé, l’autre pris » (Lc 17,26-37) : dernièrement un médecin me citait cette phrase de Jésus à propos du Covid, pour dire que cette maladie semble attaquer au hasard, gravement ou bénignement, sans que l’on sache toujours pourquoi… Application très concrète de la phrase de Jésus.
En effet les paroles de Jésus sont très concrètes : il raconte la vie « normale » des hommes et des femmes avant le déluge et dans les jours de Loth : manger, boire, vendre, prendre femme ou mari, quoi de plus habituel… Jusqu’au jour imprévisible de la rencontre du Seigneur vivant.
Lorsque Jésus évoque le cataclysme du déluge universel, cela n’est pas particulièrement rassurant… Mais Jésus utilise cette image seulement pour nous dire que la venue du Fils de l’homme se déroulera sans que l’on s’en aperçoive, en plein cœur d’une existence banale, quotidienne, remplie d’activités parfois incessantes ; le confinement peut, mais pas toujours, marquer comme une pause pour souffler et laisser souffler l’Esprit en nous. Pourtant Jésus, ailleurs, utilise un langage apocalyptique, parfois effrayant, où il évoque les cataclysmes annonciateurs de la fin des temps. Mais ici rien de tel.
Personne n’avait prévu le déluge. La venue de Jésus est toujours déconcertante, imprévue, mais heureuse : Lorsque Jacob est en fuite (Gn 28,10-19), il est surpris par la nuit et s’endort sur une pierre prise au hasard, en un lieu quelconque, banal en apparence. Et voilà qu’un songe le propulse dans l’univers divin : la fameuse échelle qui monte jusqu’au ciel, et Dieu lui fait des promesses de bonheur. Au réveil Jacob rend grâces : « Vraiment le Seigneur était là, et je ne le savais pas ! » (Gn 18,16).
Lorsque le Seigneur nous visite, nous ne le savons pas toujours… Dans l’ordinaire de nos vies, nous avons, dit Jésus, à nous rappeler qu’il vient nous visiter, et peut-être pour la visite « définitive ».
« Aujourd’hui le Seigneur, avec cette bonté qu’il a, dit à chacun de nous : « Arrête-toi, arrête-toi, ce ne sera pas tous les jours comme ça. Ne sois pas habitué, comme si c’était l’éternité. Il y aura un jour durant lequel tu seras retiré, et l’autre restera » » (homélie Ste Marthe 17/11/2017).
Paul médite cela dans l’épître à Philippiens, lorsqu’il dit qu’il est « pris entre deux » désirs contradictoires : « Je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire ».
Demandons au Seigneur que chaque geste quotidien, chaque instant de notre vie soit accompli en présence du Seigneur, pour nous préparer au grand jour de la rencontre avec lui, même si celui-ci ne presse pas (c’est bien sûr de l’humour !).
PS : l’image de l’arche de Noé que je mets en regard avec ce texte d’Evangile est transformée en « prophétie » de l’Eglise, où Noé ressemble au Christ qui domine cette nef Eglise !
N’hésitez pas à aller visiter les sites de nos paroisses où vous retrouverez ces méditations, des informations sur les permanences et bien d’autres choses !
jeudi 12 novembre :
Chers frères et sœurs,
Revêtus de la dignité du Christ :
La lettre de Paul à Philémon est la seule, très brève mais très personnelle, qu’il ait adressée à un seul destinataire. Elle dépasse infiniment son seul destinataire, parce qu’elle est adressée en même temps à l’Eglise qui se rassemble dans la maison de Philémon (verset 2). Paul écrit cette lettre en prison, peut-être à Ephèse. Onésime, esclave, s’est enfui de chez son maître. Il a rendu service à Paul prisonnier, d’où le jeu de mot sur son nom (Onésime, utile, alors qu’il a causé des soucis à son maître). Paul l’a baptisé, et il est désormais revêtu de la dignité du Christ, il en a fait son collaborateur. Philémon lui-même est arrivé à la foi grâce à Paul, et il n’a rien à lui refuser.
Philémon aurait le droit de punir Onésime. Paul lui demande avec délicatesse de ne rien en faire, mais bien au contraire de lui faire grâce. Evidemment Paul ne parle pas d’abolition de l’esclavage, ce serait anachronique ; en revanche il prend en compte le fait que par le baptême, d’une certaine façon, il est « affranchi », et devient un frère pour son maître, et il convient qu’il l’accueille comme « un frère bien-aimé » dans la foi ; le maître et son esclave sont appelés ensemble à accueillir le salut et la liberté que donne le Christ. C’est la nouvelle condition de baptisé qui bouleverse toutes les relations humaines. Dans le Christ toutes les frontières sont abolies : « Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,27-28). Onésime reviendra auprès de Philémon comme frère, membre de l’Eglise dans sa maison pour le service de l’Evangile.
Paul invite Philémon à renouveler ses liens avec Onésime, et le presse à l’accueillir comme s’il accueillait Paul lui-même, le prisonnier de la foi. « Accueille-le comme si c’était moi », c’est-à-dire comme un frère et plus encore un ami. En Christ le baptême nous fait tous frères. C’est cela qui, plusieurs siècles plus tard, conduira à l’abolition de l’esclavage. La fin du texte joue sur le nom d’Onésime « Fais-moi cette joie » (verbe qui a la même racine que le mot utile). Ainsi Paul sera réconforté jusqu’au plus profond de lui-même par l’attitude d’accueil de Philémon à l’égard de son frère dans la foi, Onésime.
Jésus, quant à lui, nous rappelle que son Royaume commence dans le cœur de chaque homme : « Voici que le règne de Dieu est au milieu de vous ». C’est ce qui donne sens aux paroles de Paul à Philémon.
Nous avons à accueillir le Royaume dès aujourd’hui, quelques soient les circonstances, heureuses ou rudes comme en ce moment. Il ne s’agit pas de rêver un futur plus ou moins « imaginaire », mais de voir la beauté du Royaume qui « est » (le verbe est au présent) présent en chaque être humain.
Que le Seigneur nous donne de voir chaque humain comme revêtu de la dignité du Christ à laquelle il est appelé.
Bonne journée dans le Christ présent en nous et en nos frères.
11 novembre 2020 :
Chers frères et sœurs,
Après un mardi plus léger, un mercredi plus sérieux, en ce jour de la Saint Martin, où nous faisons mémoire et sommes invités à prier pour les victimes des guerres et pour ceux qui ont donné leur vie au service de notre pays.
Faire mémoire, nous dit le pape dans son encyclique sur la fraternité, ce n’est pas seulement rappeler les côtés terribles, souvent inhumains, de la guerre, mais aussi mettre en valeur le bien accompli : « je ne me réfère pas uniquement à la mémoire des horreurs, mais aussi au souvenir de ceux qui, dans un contexte malsain et corrompu, ont été capables de retrouver la dignité et, par de petits ou grands gestes, ont fait le choix de la solidarité, du pardon, de la fraternité. Il est très sain de faire mémoire du bien » (Tous frères, 249). Nous sommes trop habitués par les médias à voir seulement le mal à l’œuvre dans le monde, et nous ne savons pas voir les élans de générosité, les dévouements, les belles actions même au milieu du mal.
C’est ainsi qu’un seul des dix lépreux guéris de son mal dans l’Evangile vient faire mémoire du bien que Jésus a accompli pour lui (Lc 17,11-19) ; les autres sont oublieux de la grâce. Voilà qui nous rappelle s’il en est besoin, l’importance de l’action de grâces.
« Sommes-nous capables de dire merci ? » demande le pape François, dans un commentaire sur ce texte. « Combien de fois nous disons-nous merci en famille, en communauté, dans l’Église ? Combien de fois disons-nous merci à celui qui nous aide et qui nous est proche, à celui qui nous accompagne dans la vie ? »
Nous ne devons jamais considérer que tout nous est dû. Savons-nous reconnaître et rendre grâce pour les traces de Dieu dans nos vies ? Le pardon de Dieu qui remet debout ; les grâces du quotidien, les pardons reçus, les rencontres heureuses, les attentions du quotidien, les joies et douleurs où le Seigneur a manifesté sa présence de paix.
La gratitude nous fait remonter jusqu’à la source de l’amour et donc à Dieu. Même dans les difficultés elle permet de reconnaître les raisons de rendre grâce. Et plus encore, parfois, comme le dit Julien Green, « le souvenir d’une grâce passée peut être une nouvelle grâce ».
La gratitude est source d’une paix profonde pour notre cœur, qui nous donnera par surcroît comme le dit Paul d’être « bienveillants, montrant une douceur constante à l’égard de tous les hommes » (Ti 3,1).
Habités par la bienveillance et de la grâce du Christ nous devenons capables d’agir avec sa douceur : « Dépasser l’héritage amer d’injustices, d’hostilités et de défiance laissé par le conflit n’est pas une tâche facile. Cela ne peut être réalisé qu’en faisant vaincre le mal par le bien (Cf. Rm 12, 21) et en cultivant les vertus qui promeuvent la réconciliation, la solidarité et la paix » (Tous frères, 243 ).
Que le Seigneur nous donne d’être artisans de paix, de générosité et de justice comme le fut Saint Martin.
10 novembre 2020 :
Les vagabondages de l’esprit humain sont étranges… Vous allez comprendre pourquoi je dis cela dans un instant. Voilà qui donnera un peu de légèreté et d’humour en ce temps du confinement !
En lisant l’Evangile de ce jour, la parabole du serviteur inutile (Lc 17, 7-10), je repensais au dilemme du capitaine Haddock dans Coke en Stock, quand on lui demande s’il dort la barbe au-dessus des couvertures ou en-dessous :
Par quelle circonvolution de mon esprit en ébullition (à propos de bulles de BD) en suis-je arrivé là à partir de cet Evangile ? Voilà : non pas en-dessus/ en-dessous, mais en premier/ en second : Le service d’abord et la grâce ensuite ou la grâce d’abord et le service après ? Les deux en même temps mon capitaine !
Jésus dans cette parabole pose la question du lien entre service et grâce : le service est-il accompli pour en recevoir une grâce, une récompense ? « Le maître aura-t-il de la reconnaissance pour ce serviteur qui a accompli son devoir ?» : le mot reconnaissance est le mot grec Charis, qui dit la grâce, la gratitude, la générosité, le « débordement » de l’amour de Dieu ; Marie est remplie de cette grâce : Luc utilise le même mot. Ou bien est-ce la grâce qui pousse au service ? Autrement dit la grâce précède-t-elle, ou le service est-il premier ?
C’est évidemment la grâce de Dieu, la gratuité de son amour qui nous pousse à servir nos frères. Lorsque nous servons les autres, nous le faisons parce que le Seigneur nous en montre l’exemple, lui qui s’est fait serviteur, lavant les pieds de ses disciples : il le fait par amour gratuit, et non pas pour obtenir une récompense de son père. Mais le service nous donne aussi la grâce.
Le serviteur « inutile » (certaines traductions disent « bon à rien » ou « simple serviteur ») est en fait bon à quelque chose lorsqu’il accomplit avec amour la volonté du Seigneur. La joie du serviteur à la suite de Jésus est de pouvoir se coucher le soir en disant : « Voilà Seigneur, je suis un serviteur inutile, je n’ai fait que ce que tu me demandes ». Et la grâce viendra de surcroît ! Pas forcément sous notre couverture, mais elle portera du fruit en nous et autour de nous. « Cherchez plutôt son Royaume, et le reste vous sera donné par surcroît. » (Lc 12,22.30).
Le serviteur généreux, qui ne calcule pas son temps, ni son énergie au service du Royaume et de ses frères fait « découvrir à Dieu ce sentiment merveilleux : la gratitude » (Frère Dominique, En-Calcat).
La grâce de Dieu nous précède, nous accompagne, nous comble, en-dessus et en-dessous, c’est-à-dire en tout temps et en tous lieux, même sous la couverture (songeons à l’importance des songes comme présence de Dieu dans la Bible : le songe des deux Joseph) !
Bien sûr tout cela est de l’humour « sérieux », mais qui n’est pas fait « au nez et à la barbe » de Dieu ! *
Et surtout ne dites jamais au Seigneur, ni à vos frères : « La barbe » !
*Vielle expression du Moyen-Age, pour parler d’un « acte commis en plein jour pour que l’autre ne l’ignore pas ».
9 novembre 2020 :
Jésus a toujours refusé toute forme de violence : il en témoigne sur la croix.
Chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chaque instant, chaque rencontre est remplie de la miséricorde du Père. Sans cesse, il invite à pardonner à ses ennemis. « Aimez vos ennemis, faites du bien » (Lc 6,35) : aimer ses ennemis doit aller jusqu’à poser pour eux des gestes et des actes d’amour concret. Voilà jusqu’où va la douceur des mains de Jésus.
C’est ce que Jésus a vécu pendant la Passion : « Père pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Cet Evangile des marchands du Temple est une des rares scènes de la vie de Jésus qui est rapportée par les quatre Evangélistes, ce qui en dit l’importance. Que peut-il nous dire de l’amour du Christ ?
Le Temple est le lieu sacré par excellence de la foi juive au temps de Jésus ; il a été bâti par Salomon, reconstruit plusieurs fois ; il est le lieu de la Présence divine, on y offre des sacrifices, et les fidèles y montent en pèlerinage trois fois par an. Jésus lui-même s’y rend souvent. Un lien mystérieux et profond unit Jésus au Temple de Jérusalem, « la maison de mon Père », titre glorieux que Jésus lui donne ; Jésus s’est souvent rendu là pour les grandes fêtes de son peuple.
Une nouvelle fois Jésus se rend au Temple pour adorer son Père à l’approche de Pâque. Jésus voyant les marchands envahir le Temple fabrique un fouet avec des cordes et renverse les tables de changeurs.
On pourrait penser que Jésus ne se maîtrise pas et se laisse aller à la violence. Ses mains posent un geste qui ressemble à de la colère… Le geste de Jésus, quand il chasse les marchands du Temple, nous surprendra toujours ! En fait Jésus est indigné. Ce geste manifeste la déception de l’amour. C’est la sainteté et la grandeur de Dieu qui sont bafoués, puisque le Temple est détourné de sa mission première, rendre gloire à Dieu. Jésus agit en prophète ; Le prophète Jérémie dénonçait déjà la façon dont le Temple était traité : « Une caverne de bandits, cette Maison sur laquelle mon nom est invoqué » (voir Jr 7,11 :). Si Jésus est scandalisé, c’est par le manque de respect pour le Temple, maison de prière, lieu saint où réside du Père ; il révèle là, une fois de plus sa passion brûlante pour le Père : « l’amour de ta maison me dévore » (Jésus cite là le Ps 68,10). Sa colère est le signe de cet amour d’une intensité unique « Il faut que le monde sache que j’aime le Père » (Jn 14, 3 1).
Saint Ignace de Loyola a une lecture douce de ce qu’on a parfois appelé la « sainte colère de Jésus » : « Aux pauvres qui vendaient des colombes, il dit avec douceur : enlevez ces choses d’ici ». Tout dépend du ton employé, et du sens de nos paroles et dans nos gestes ! Et le fouet est sans doute dissuasif, et symbolique il n’est pas utilisé contre les personnes, en tout cas ! Au commerce des animaux et aux échanges d’argent, Jésus oppose la gratuité de sa bonté qui guérit les corps et remet debout.
Jésus sera d’ailleurs condamné à cause de cette affirmation, jugée scandaleuse, qu’il prononce ce jour‑là : « Détruisez le Temple, et en trois jours, je le rebâtirai » ; Jésus annonce par là un nouveau Temple non construit par les hommes : ce Temple c’est son corps qui rassemble les peuples. Au-delà des prières qui habitent ce lieu saint, le Temple a une dimension mystique : le Temple dit une présence de Dieu d’une richesse insondable : la présence de Dieu dans l’humanité du Christ, sa présence en tout homme qui est « Temple de l’Esprit », sa présence dans la communauté chrétienne. « Si quelqu’un m’aime, nous viendrons en lui, et nous ferons en lui notre Demeure » (Jn 14,23) Quelle grandeur, quelle dignité pour l’homme !
8 novembre 2020 :
Les « journées portes ouvertes », nous connaissons !
En ce moment il est bien difficile de garder sa porte ouverte…
Nous savons que Dieu lui jamais ne nous ferme la porte.
La porte… La Bible en fait tout une ouverture vers l’infini. Le retour du Messie est attendu dans la tradition biblique par la porte d’orient de Jérusalem, là où lève le soleil ; la Jérusalem céleste a douze portes, toujours ouvertes, pour accueillir l’humanité (Ap 21,10-26) ; Jésus dit qu’il est lui-même la Porte qui nous ouvre l’amour de son Père.
Il y a toujours dans la mentalité biblique une porte qui s’ouvre sur l’infini.
Mais nous savons aussi qu’il est dans nos vies des portes qui nous semblent comme infranchissables : ou des portes qui nous semblent trop lourdes pour nos forces : la porte d’un pardon difficile à donner, la porte de la peur, de l’épreuve, de telles souffrances ? Quand se fermera la porte de ce fichu virus pour que nous puissions rouvrir nos portes pour pouvoir accueillir les autres ?
« J’’ai ouvert devant toi une porte, que personne ne peut fermer » (Ap 3,8). « Voici que je me tiens à la porte et je frappe » (Ap 3,20). Jésus est à la fois celui qui frappe à la porte de notre cœur et qui ouvre la porte du ciel.
La parabole de la venue de l’époux nous parle d’une porte qui s’ouvre pour les jeunes filles qui ont pris de l’huile pour leur lampe pour rencontrer l’époux, et d’une porte qui se ferme devant les jeunes filles qui ne sont pas prêtes pour la rencontre.
La parabole compare le Royaume de Dieu à des noces entre Jésus et chaque croyant, entre Jésus et l’Eglise. Pas de plus grande joie que celle des noces. C’est à cette joie sans fin que Jésus compare son Royaume !
L’époux tarde mettant à l’épreuve la patience : Jésus est habitué à nos sommeils (lors de la Transfiguration, à Gethsémani). Un cri retentit dans la nuit de nos vies : « Voici l’époux qui vient, sortez à sa rencontre ».
L’endormissement et les lampes éteintes évoque t la mort ; le cri dans la nuit et le réveil des jeunes filles évoquent la résurrection (verset 7 : les jeunes filles se levèrent).
Toutes les jeunes filles se réveillent en sursaut. Seules certaines ont été prévoyantes. Les unes ont les pieds sur terre ; les autres sont dans les nuages ; elles manquent d’huile, leurs lampes sont éteintes : « Je ne vous connais pas ». Peut-être ne sont-elles par reconnues parce qu’elles ne se sont pas préparées assez à la rencontre de l’époux ; La lumière qu’elles n’ont pas pu allumer c’est celle de l’amour.
Voici ce que dit le pape François : « Si la vie est un chemin en sortie vers l’époux, elle est le temps qui nous est donné pour grandir en amour. Vivre est une préparation quotidienne aux noces, Demandons-nous : est-ce que je vis comme quelqu’un qui prépare ma rencontre avec l’époux ? » (Homélie 3 /11/18).
Seul l’amour peut ouvrir les portes du Royaume de Jésus. La joie de Dieu ne sera pas complète tant qu’il manque quelqu’un, tant tous ne sont pas entrés pour la noce. Les jeunes filles de la parabole qui sont sur le seuil de la porte attendent qu’elle s’ouvre de nouveau pour les retrouvailles qui accomplissent le Royaume. La porte de l’amour de Dieu jamais ne se ferme complètement ! Telle est la Bonne Nouvelle de ce dimanche ! C’est bien une formidable parabole d’espérance !
Que le Seigneur ouvre la porte de notre cœur pour qu’y habite son amour !
7 novembre 2020 :
Chers frères et sœurs,
« Ne vous préoccupez de rien » (Ph 4,6) ; hier nous entendions Paul nous dire également : « Tenez bon dans le Seigneur » (Ph 4,1) ; Aujourd’hui Paul nous dit : « Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4,13) : cette invitation est comme la conclusion de sa lettre. Saint Paul pratiquerait-il la méthode Coué (selon laquelle toute idée gravée dans notre esprit tend à devenir réalité) ? Comme s’il avait besoin de se convaincre, alors qu’il est en prison ?
Non, il y a bien plus que cela ! La joie qui l’habite, dont il ne cesse de parler dans cette épître, (« Réjouissez-vous dans le Seigneur », en Ph4,4), lui vient de sa communion profonde avec le Christ. Demeurer dans l’amour du Seigneur chasse la crainte et donne la paix. Même s’il se sait faible et fragile, au milieu des épreuves de sa mission, il a expérimenté tout au long de sa vie la présence permanente de Jésus à ses côtés.
Ce que vient nous redire Paul en ce jour c’est que je peux tout si je m’appuie sur le roc inébranlable de l’amour de Dieu ; je peux tout quand je fais confiance au Seigneur qui est à mes côtés, même dans la souffrance, puisqu’il la prend sur lui ; je peux tout également si ma prière est communion avec mes frères, même à distance, car alors Jésus est au milieu de nous.
Dans la Bible, Dieu est le rocher, la forteresse, celui sur qui on peut s’appuyer pour tenir debout face aux tempêtes de la vie : « Prenez appui sur le Seigneur, à jamais, sur lui, le Seigneur, le Roc éternel » (Is 26,4). Le rocher sur lequel l’homme peut compter dans sa fragilité, c’est Dieu : « Je t’aime Seigneur ma force ; Seigneur mon roc, ma forteresse, Dieu est mon libérateur, le rocher qui m’abrite » (Ps 17,2). Dieu est le rocher parce qu’il donne le salut.
D’autres images bibliques expriment cette force qu’est Dieu dans la vie des hommes : Il est « un bouclier », « un rempart », « un abri », « une citadelle » pour l’homme…
Le prophète Isaïe résume cela en une formule lapidaire, dont il a le secret, en faisant parler Dieu : « Si vous ne tenez pas à moi, vous ne tiendrez pas » (Is 7,9).
On parle de notre monde actuel comme d’un « monde liquide », parce que tout paraît changer en permanence, il semble ne plus exister d’engagement durable, ni de vérité atteignable (les religions, les grandes idéaux, les penseurs s’effaçant), mais seulement des sincérités successives.
La foi nous dit autre chose ; elle vient nous dire que Dieu seul demeure ; l’homme peut s’appuyer sur lui en toute confiance, parce que Dieu est fidèle. « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Lc 21,33). La parabole de la maison bâtie sur le roc nous parle de cela : construire sa vie sur le roc, c’est prendre Jésus pour fondation solide. Si c’est le cas, nous pouvons traverser toutes les tempêtes de notre vie dans la confiance en l’amour de Dieu. C’est ainsi que dans l’aridité du désert alors que le peuple murmure contre Dieu, Moïse frappe le rocher d’où jaillit l’eau (voir le tableau de Chagall) : Dieu seul peut désaltérer nos soifs les plus profondes, Dieu seul peut nous donner une paix du cœur qui dure.
C’est d’ailleurs ce que nous ne cessons de dire chaque fois que nous affirmons avec foi : « Amen » ; nous disons alors : « Je te fais confiance, Seigneur », « je m’appuie sur toi car tu es mon rocher ».
« Quand nous affrontons la vie ordinaire, quand surviennent les difficultés, rappelons-nous ceci : « Je puis tout en celui qui me fortifie (Ph 4,13). Le Seigneur nous donne toujours sa force, elle ne saurait nous manquer. Il ne nous éprouve pas au-dessus de nos forces. Il est toujours avec nous. Demandons à l’Esprit Saint de nous donner cette force qui soulève notre cœur ». (Pape François, 14/5/2014).
Je vous livre cette magnifique prière de Thomas Merton (moine du XX° siècle) :
« Seigneur mon Dieu, je ne sais pas où je vais,
je ne vois pas la route devant moi, je ne peux pas prévoir avec certitude où elle aboutira.
Je ne me connais pas vraiment moi-même, et, si je crois sincèrement suivre
Ta volonté, cela ne veut pas dire qu’en fait je m’y conforme.
Je crois cependant que mon désir de Te plaire Te plaît.
J’espère avoir ce désir au cœur de tout ce que je fais,
et ne jamais rien faire à l’avenir sans ce désir.
En agissant ainsi, je sais que Tu me conduiras sur la bonne route,
même si je ne la connais pas moi-même.
Je Te ferai donc toujours confiance,
même quand j’aurai l’impression que je me suis perdu et que je marche à l’ombre de la mort.
Je n’aurai aucune crainte car Tu es toujours avec moi
et jamais Tu ne me laisseras seul dans le péril. Amen ».
6 novembre 2020 :
Chers frères et sœurs,
Peut-être faut-il nous avouer que nous sommes perplexes devant cet éloge par Jésus de « l’intendant malhonnête » … Jésus nous donne-t-il une parabole immorale où il ferait l’éloge d’un filou ? Etrange parabole où il serait… malhonnête de penser que Jésus fait l’éloge de la malhonnêteté.
Il faut d’abord nous rappeler que c’est une parabole. Comme souvent dans les paraboles le propos de Jésus est ailleurs. C’est notre propre histoire qui est cachée derrière le récit parabolique. Et comme pour toute parabole, il faut en chercher la pointe : ce que Jésus veut nous dire de l’amour de Dieu et de ce que celui-ci implique pour l’amour humain.
L’homme riche loue son intendant pour son habilité, non pour sa malhonnêteté : L’essentiel de la parabole est ce que dit Jésus : « Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ».
« Quelle est la ruse chrétienne, une ruse qui ne soit pas un péché, mais qui serve à me faire avancer dans le service du Seigneur, et aussi dans l’aide des autres ?» (Pape François, Ste Marthe 10/11/2017).
L’intendant est renvoyé par son maître parce qu’il dilapidait son bien ; Il prépare son avenir car il ne veut pas travailler, ni mendier. Il est assez habile pour se faire de nouveaux amis en les aidant à ne pas rembourser toute leur dette. Ainsi pourra-t-il être accueilli dans « une autre maison ». Le mot maison nous aiguille sur la suite de la parabole que nous entendrons demain : « Faites-vous des amis afin ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ». C’est là le sens profond de cette étrange parabole.
C’est pour cela que son maître fait son éloge ; il est dans l’admiration devant ses combines : Jésus loue son habileté, son ingéniosité, sa ténacité pour se tirer d’affaire. Il nous montre l’habileté que devraient avoir « les fils de lumière » que nous sommes.
Préparer l’avenir, qu’est-ce à dire ? C’est d’abord tout faire en vue de Dieu.
L’intendant habile agit uniquement pour son confort égoïste. Pour nous, l’avenir commence dès aujourd’hui car la vie éternelle est déjà commencée. Préparer notre avenir c’est vivre en plénitude l’aujourd’hui de Dieu : être présent pleinement à chaque instant de notre vie où Dieu est déjà présent. Nous sommes appelés à être intendants, responsables des biens et des talents qui nous sont confiés par Dieu pour qu’ils puissent servir à tous, pour servir la fraternité humaine. Le pape invite à « transformer les richesses en instruments de fraternité et de solidarité, il n’y aura pas que Dieu, mais aussi ceux avec qui nous avons partagé, en l’administrant bien, ce que le Seigneur a mis entre nos mains ». (Pape François, angélus 22 9 17).
Dieu nous appelle à être « fidèles », dignes de confiance dans ce qui nous est confié par lui : ce que Dieu nous confie, c’est un travail, une famille, une famille de familles, la paroisse, un service, la mission, la prière pour nos frères, des amis, la création et bien d’autres choses. Ce n’est pas l’extraordinaire qui nous est demandé, mais ce sont souvent les réalités les plus quotidiennes qui nous font accomplir la volonté de Dieu : « celui qui est digne de confiance dans les petites choses est digne de confiance dans les grandes ». Certains ont appliqué cette parabole au soin de la planète : nous devons en prendre soin puisque Dieu nous l’a confiée.
Que le Seigneur nous donne cette habileté, cette intelligence de l’intendant de la parabole, non pas pour servir, mais pour promouvoir l’amitié et la fraternité !
5 novembre 2020 :
Chers frères et sœurs,
Quelle perle cette parabole de la Brebis perdue pour nous parler de la tendresse infinie de notre Dieu ! Aux murmures des pharisiens qui lui reprochent de faire bon accueil aux pécheurs, Jésus raconte ces étonnantes paraboles de la miséricorde : Derrière le berger de la parabole, se cache Jésus qui part à la recherche de la brebis perdue parce qu’elle est unique à ses yeux (l’iconographie chrétienne ne s’y trompera pas : cette représentation du Christ comme Berger sera une des premières). Ainsi nous dit-il son amour sans condition. Jésus est totalement donné à ses brebis, jusqu’à leur donner sa vie. C’est le cœur ardent de notre foi. Il n’y a rien de logique dans ces paraboles : quel berger laisserait 99 brebis seules, sans défense dans le désert habité de bêtes sauvages, au risque qu’elles soient dévorées ou se dispersent, pour partir à la recherche d’une seule égarée ?… Pourquoi la joie de ce berger pour cette brebis retrouvée plus que pour les 99 autres qui ne lui ont pas causé de souci ? Ces paraboles nous parlent de la joie de Dieu : Dieu met toute sa joie à faire miséricorde. Dieu ne sait compter que jusqu’à un ! Et ce un, c’est chacun de nous ; pace que chacun est unique à ses yeux. C’est tellement difficile à comprendre pour les enfants, mais aussi pour nous ! Telle est la miséricorde de Dieu, imprévisible. Telle était déjà la révélation de l’histoire sainte : « Dieu prend plaisir à faire grâce » (Mi 7,18). « Réjouissez-vous avec moi, j’ai retrouvé la brebis qui était perdue ». Telle est la joie de Dieu, infinie quand nous revenons vers lui. Quelle belle image pour nous parler de la miséricorde du Père ! Le Bon Pasteur s’identifie à ses brebis : tout ce qui touche une brebis l’atteint au cœur. Le Berger vient nous chercher là où nous nous égarons, à travers les épreuves et dans les déserts de nos vies ; il nous porte sur ses épaules pour nous conduire à la vie en plénitude. Il prend soin de chacun de nous. Il est bon de réentendre cela en ces temps difficiles. « En s’égarant, la brebis comme le fils benjamin (de la parabole du Fils Prodigue) a fait trembler le cœur même de Dieu » (Père Cantalamessa). Tout ce qui nous arrive en bien ou en mal, ne laisse jamais Dieu indifférent, mais trouve un écho dans son cœur. Nous devons y entendre un appel à vivre comme le Christ qui prend soin de chacun. Quelle attention accordons-nous à ceux qui sont seuls, à ceux qui souffrent, à ceux que la vie a brisés, à ceux qui ont besoin d’une oreille attentive, particulièrement en ces temps où certains sont encore plus isolés ? Le pape François lit dans cette parabole une invitation à sortir : « le danger (est) de nous enfermer dans une bergerie, où il n’y aura pas l’odeur des brebis, mais la mauvaise odeur du renfermé ! Et les chrétiens ? Nous ne devons pas être fermés, car nous sentirons la mauvaise odeur du renfermé. Jamais ! Il faut sortir » (homélie 4/5/2016). Pas facile de sortir et d’aller à la rencontre en ce temps où nous sommes confinés chez nous ! A chacun d’inventer comment sortir de ses habitudes pour continuer à nous tourner vers les autres, même en restant chez soi ! Seigneur, donne-moi un cœur qui sache prendre soin de mes frères.
4 novembre 2020 :
Chers frères et sœurs,
Jésus nous donne dans l’Evangile de ce jour deux pistes pour vivre paisiblement, positivement et dans la durée ce nouveau confinement :
- Se détacher pour mieux s’attacher :
Jésus nous invite à porter notre croix ; non pas celles que nous choisirions, mais celles que les circonstances nous imposent ; et il nous assure qu’il portera avec nous ces croix de nos vies : « Prenez sur vous mon joug et je vous procurerai le repos » (Mt 11,29).
Et pour cela il nous invite à nous détacher de nos attachements humains (qui sont parfois des attachements matériels qui nous empêchent d’être libres), non pas pour y renoncer mais pour être plus libres, pour aimer davantage à partir de son amour : Plus nous « préfèrerons » Jésus, plus nous en recevrons la capacité à aimer nos frères humains en vérité. Choisir l’amour du Christ nous rend capables d’un amour plus profond encore ; c’est lui qui nous donne d’écouter comme il écoute, de voir comme il voit, d’être ému par les souffrances de nos proches comme il l’est… Les disciples ont dû se détacher de leurs images d’un Messie tout puissant pour arriver à accueillir un Messie Serviteur ; long chemin de renoncement à leurs désirs de toute-puissance. Se détacher, c’est aussi accepter que nous ne contrôlions pas tout ; et face au virus, nous l’apprenons à nos dépens : nous n’avons pas désiré ces « confinements », ces isolements imposés, ces peurs qui nous envahissent… Demandons au Seigneur de nous détacher de nos attachements pour mieux nous attacher à lui et en recevoir un amour plus grand.
- « Celui qui a commencé à bâtir, est-il capable d’aller jusqu’au bout ? » :
Jésus nous invite à l’endurance ; parfois nous pouvons nous décourager face à un temps qui n’en finit pas de durer, face à un virus dont nous nous demandons combien il nous mettra à l’épreuve… Seuls, nous n’avons pas toujours la force de tenir. Nous avons parfois l’impression que telle ou telle épreuve dépasse nos forces ; alors abandonnons-là entre les mains du Seigneur qui nous donnera la grâce de faire face.
Nous devons assumer notre faiblesse en vivant de plus en plus en communion avec le Christ. L’attachement au Christ est notre force pour les marathons au long cours de nos vies. Paul dira : « Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4,13). Paul dans cette même épître, comme nous l’entendons aujourd’hui, rend grâces pour les Philippiens, parce que dit-il « vous tenez fermes la Parole de vie » (Ph 2,16). - Si nous nous remettons entre les mains du Seigneur, nous aurons la force d’affronter nos épreuves personnelles, mais aussi celles du monde autour de nous.
La persévérance a aussi besoin du soutien des autres. Soutenons-nous les uns les autres par la prière et l’attention fraternelle.
« Quand je ne peux rien faire pour une personne chère en danger ou malade, à cause d’une situation embrouillée, eh bien ! Je fais ce que Dieu demande de moi à ce moment-là : bien étudier, balayer, prier, m’occuper de mes enfants… Et Dieu trouvera le moyen de débrouiller cet écheveau, de réconforter celui qui souffre, de résoudre l’imprévu. C’est un travail à deux, en communion, qui appelle de nous une grande foi dans l’amour de Dieu pour nous, ses enfants, et lui permet de nous faire confiance. Une confiance réciproque qui produit des miracles. Nous verrons que, là où nous ne pouvions arriver, un Autre est arrivé, qui sait faire immensément mieux que nous » (Chiara Lubich).
3 novembre 2020 :
Chers frères et sœurs,
Nous devinons dans l’Evangile de ce jour (Lc 14,15-24) que le propriétaire qui invite largement à un grand repas est Dieu lui-même… Il désire d’un grand désir partager sa joie et ses biens ; il veut que la salle du banquet qu’il propose soit remplie ; mais il respecte la liberté des invités, lorsque ceux-ci trouvent des excuses pour ne pas venir. Nous sommes toujours libres de refuser les invitations du Seigneur.
Aujourd’hui il ne s’agit sans doute pas de cela pour nous : de nouveau nous prenons conscience que notre désir de partager le repas de l’eucharistie en Eglise va nous manquer… Pourtant notre désir est là. Nous nous sentons plutôt comme « les pauvres, les estropiés, les aveugles, et les boiteux » de la parabole qui attendent de pouvoir prendre place à la table du Royaume. En nous se creuse, bien malgré nous, l’humilité d’une attente et la réalité d’un manque : ceux-ci peuvent raviver notre joie d’être sans cesse invités par le Seigneur à sa table et à sa rencontre.
Nous pouvons profiter de ce nouveau confinement pour contempler cette joie du Christ qui nous rassemble dans son amour et en rendre grâces : le Seigneur ne cesse pas de nous inviter à le rencontrer dans l’eucharistie, mais aussi dans la prière, l’adoration et encore en nos frères : oui, en toutes circonstances nous pouvons toujours vivre de vrais temps de grâces et de communion avec le Seigneur.
C’est ce qu’expérimentera Paul lorsqu’il sera emprisonné à cause de sa foi. L’épître aux Philippiens fait partie des « épîtres de la captivité » (Lettre aux Ephésiens, Colossiens, à Philémon) : « Mes chaînes manifestent mon attachement au Christ » (Ph 1,3) ; nous relisons aujourd’hui ce bel hymne qui médite sur l’abaissement de Jésus qui s’est fait serviteur jusque sur la croix par amour. Paul écrit cette lettre alors qu’il est enfermé dans une prison ; celle-ci est, malgré toutes les incertitudes, pleine d’une atmosphère de joie. Les mots « joie » ou « réjouir » reviennent 14 fois dans la lettre. « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous. Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie… Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » (Ph 4,4-7).
Demandons au Seigneur cette paix et cette force de Paul que Dieu seul peut donner pour traverser toutes les épreuves et les tempêtes de nos vies.
2 novembre 2020 :
Face à la tempête, un souffle fraternel
Nous voici de nouveau entrés en confinement. Personne ne s’en réjouit… Les attentats contre les chrétiens rajoutent à notre anxiété. Et les termes martiaux employés pour en parler ne nous rassurent sans doute pas toujours (guerre, mobilisation, couvre-feu…).
Cependant, malgré les peurs, « nos cœurs aussi doivent demeurer grands ouverts : j’appelle chacun à veiller sur ses frères et sœurs, isolés, malades, à porter assistance à ceux qui sont dans le besoin, en prenant bien sur toutes les précautions qui s’imposent. Soyons témoins de Jésus-Christ, présent et vivant en ce monde pour qui Il a donné sa vie ! » (Mgr Aumonier, message de la Toussaint 2020).
Comme nous le dit notre pape dans son encyclique sur la fraternité : « Une tragédie mondiale comme la pandémie de Covid-19 a réveillé un moment la conscience que nous constituons une communauté mondiale qui navigue dans le même bateau, où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. C’est pourquoi j’ai affirmé que « la tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. […] À la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos ego toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste, encore une fois, cette [heureuse] appartenance commune […], à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères » (Tous frères 32).
En ce jour où nous sommes invités à prier pour les défunts, nous aurons à cœur de confier au Seigneur les morts du virus, leurs familles et amis, qui sont parfois meurtris par les conditions de décès et d’accompagnement de leur être aimé.
Gardons au cœur le désir de vivre un souffle fraternel, en prenant des nouvelles de ceux qui sont isolés ou malades, en les portant aussi dans notre prière.
Comme lors du premier confinement, je propose de vous envoyer un billet quotidien, à partir de la Parole de Dieu du jour.
Je reste en communion avec vous par la prière.
Gardons confiance. Que le Seigneur de paix nous accompagne à chaque instant !